Tommy Tallarico, la rockstar déchue du jeu vidéo

Sa mère est-elle toujours très fière ?

Début 2014, le petit monde de la musique de jeux vidéo était ébranlé par le scandale entourant Mamoru Samuragochi, surnommé « le Beethoven japonais » alors que non seulement il exploitait quelqu’un d’autre pour composer à sa place, mais il n’était en réalité même pas sourd… Tommy Tallarico, lui, est seulement devenu la risée d’une partie d’Internet, en particulier suite à la publication d’une vidéo signée Harris Michael Brewis alias Hbomberguy, un YouTubeur qui cherchait uniquement à comprendre qui était l’auteur du son « OOF » du jeu Roblox mais qui s’est vite perdu dans les méandres des mensonges de la « légende de l’industrie » autoproclamée. Parce qu’au fond, Tallarico n’a pas fait grand-chose d’illégal ; il a seulement passé des années à exagérer les traits au point qu’il est souvent considéré comme le plus célèbre des compositeurs de jeux vidéo américains, et surtout reconnu par le livre Guinness des records comme le plus prolifique, alors que c’est loin, très loin d’être le cas.

Les débuts d’une légende

Thomas Andrew Tallarico est né le 18 février 1968 dans l’une des nombreuses villes baptisées Springfield, celle du Massachussetts sur la côte est. Il est le plus âgé de trois enfants, mais seul son frère Michael est encore vivant, car sa sœur malade, Karen, est décédée jeune et Tommy avait d’ailleurs choisi sa naissance, le 10 octobre, comme date de sortie pour l’Amico – ce qui ne lui aura pas vraiment porté chance… On ignore s’il a été très gâté ou au contraire a manqué de reconnaissance enfant, mais il y a sans doute quelque chose dans sa jeunesse qui doit expliquer son obsession presque maladive pour les prix, les records et autres récompenses, pas toujours vraiment méritées. Il semble en tout cas qu’il ait été très protégé par son père qui porte le même prénom, Thomas Vincent Tallarico, comme l’a montré la lettre de soutien qu’il a rédigée quand son fils a eu des ennuis avec la justice, et certains se demandent si Tommy ne doit pas en partie sa réussite à l’argent de son père ; certains vont même jusqu’à se demander si ce dernier n’est pas le véritable auteur de certaines compositions de jeunesse de Tommy, vu que certains morceaux sont déposés à son nom pour d’étranges raisons (même si « Tom Tallarico » ou John Kitchen y sont crédités comme auteurs). Le père aurait également « fait fortune » dans la collection de pièces de monnaie, et il serait intéressant de savoir s’il a été impacté par la bulle spéculative de la fin des années 1980 car il aurait fait faillite à au moins deux reprises… Mais le membre de sa famille le plus connu (et logiquement le plus cité) est sans doute Steven Tyler, le leader d’Aerosmith dont le vrai nom est effectivement Tallarico, même si aucun élément de généalogie n’a pu montrer jusqu’à présent leur lien exact de parenté ; ce sont au mieux des cousins très éloignés.

Tommy, Karen et Michael Tallarico
Tommy, Karen et Michael Tallarico

Ce qui est certain, c’est que Tommy Tallarico exploite largement ses origines « d’Italo-Américain de la côte est » et son « complexe de Napoléon » pour justifier son agressivité sur les réseaux sociaux et les forums, et cela lui permet même de traiter de raciste quiconque lui reprocherait cette attitude. Pour comprendre sa personnalité, il faut également savoir que ses films préférés sont sans doute Rocky (1976) et Willy Wonka & the Chocolate Factory (1971). Du premier, il se reconnaît évidemment dans les origines du protagoniste mais il adore particulièrement la scène finale où Rocky se relève encore et encore, car Tommy estime qu’il n’abandonne lui-même jamais, même s’il semble oublier que le boxeur perd le match malgré tout. Et le second est également éclairant car il montre que Tallarico n’a pas vraiment compris le vrai sujet du livre de Roald Dahl. Il est clairement fasciné par Willy Wonka qui distribue ses tickets dorés – Tommy souhaitait lui-même en distribuer dans le cadre de sa console, l’Intellivision Amico – et fait clairement abstraction de ses côtés négatifs. Il n’est donc pas étonnant qu’il préfère l’incarnation ambivalente de Gene Wilder à celle de Johnny Depp qu’il n’aime pas précisément parce qu’il rend le personnage plus pervers (« un pédophile flippant »). Il est d’ailleurs à noter que Roald Dahl détestait précisément le film de 1971 pour l’accent qu’il met sur le personnage de Wonka. Mais embellir la réalité, rendre désirable une illusion, c’est bien le travers principal de Tommy.

Photo de classe de Tommy Tallarico
Déjà le plus petit de sa classe, Tommy se permet un signe de la main mal vu dans un lycée catholique

Après un parcours scolaire difficile, puisqu’il reconnait lui-même avoir été turbulent au lycée catholique et qu’il a abandonné ses études supérieures au bout d’un an seulement, il est parti seul en Californie pour trouver un boulot dans le jeu vidéo. C’est ainsi que commence sa légende personnelle, et on y trouve déjà des incohérences ! Il prétend avoir été initialement sans-abri pendant trois semaines, et qu’il dormait donc dans sa voiture sous la jetée d’Huntington Beach. Tommy Tallarico a affirmé plusieurs fois que ça s’est passé vers 1989 quand il avait 21 ou 22 ans, or la jetée en question a été fermée en juillet 1988 suite à de gros dégâts causés par des tempêtes en janvier de la même année. Il est donc peu probable qu’il ait pu laisser sa voiture sous une jetée en ruine (à supposer que ça soit autorisé de se garer là), et surtout impossible qu’il ait pu prendre ses douches « dans le café au bout de la jetée » alors que celui-ci avait été détruit et que le pont était physiquement coupé… Et même en supposant qu’il se soit trompé de date et que ça se soit passé en 1991 comme le suggère Wikipédia, la jetée n’a rouvert qu’en 1992, et n’a pas accueilli de nouveaux restaurants avant 1994 ! Il est en revanche plus difficile de vérifier la véracité du reste de la légende, à savoir qu’il aurait trouvé un emploi dans un magasin de musique Guitar Center, et qu’il aurait été « repéré » dès le premier jour par un cadre de Virgin Mastertronic alors qu’il portait un T-shirt TurboGrafx-16… C’est en tout cas ainsi qu’il serait devenu testeur chez Virgin peu après. Ensuite, il aurait passé son temps à rappeler à tout le monde qu’il savait composer, jusqu’à œuvrer gratuitement sur la musique du portage Game Boy de Prince of Persia (1989, quitte à prétendre avoir été à l’origine de choix de design réalisés trois ans avant qu’il ne travaille dessus), gagnant ainsi la confiance de ses employeurs et démarrant une carrière prolifique de compositeur.

Produit par Tommy Tallarico Studios

BD comique illustrant comme Tommy Tallarico s'attribue les récompenses des autres

Car l’une des plus grandes fiertés de Tommy Tallarico (et de sa mère selon ses dires répétés), est qu’il détient le record Guinness de la « personne qui a travaillé sur le plus grand nombre de jeux vidéo » or c’est d’autant plus discutable que Guinness n’est en aucun cas un organisme sérieux d’homologation. Cette entité vend avant tout (très cher) ses records, quitte à parfois aider les sociétés à en trouver qu’elles pourraient décrocher dans le cadre d’une campagne marketing. Et dans le cas de Tallarico, il y a plusieurs irrégularités qui font douter. Déjà, alors qu’il a arrêté de composer pour le jeu vidéo à la fin des années 2000 de son propre aveu, le nombre de jeux indiqué par le record a continué d’augmenter, jusqu’à plus de 350 aujourd’hui. Pourtant il n’y en a « que » 295 sur son site (seulement 68 sur Wikipédia, 100 sur Mobygames, et 124 sur IMDB en étant généreux) et, surtout, on se rend compte qu’il y a énormément de doublons ; il mentionne tous les portages d’un même jeu (sur PC et Mac par exemple, même pour un jeu Flash). Donc au final on est plus proche de 175, soit presque cent de moins que ce que prétendait son tout premier record en 2008 – sachant qu’il n’apparaît même pas dans le fameux livre Guinness, mais dans sa Gamer’s Edition. De toute façon, on trouve facilement d’autres personnalités plus prolifiques sur Mobygames notamment, au point que Guinness a carrément modifié son record en « compositeur de musiques de jeux vidéo le plus prolifique » (sans préciser le nombre), même si Tallarico continue d’employer bien entendu la formule d’origine.

Et surtout, quand on se penche sur les génériques des jeux, on découvre que si Tommy Tallarico Studios est toujours mentionné, son nom à lui n’apparaît pas forcément. Et quand il y est, il est rarement seul. Il est souvent l’un de plusieurs compositeurs pour les musiques, tandis que Joey Kuras – retenez ce nom – est presque toujours crédité comme le seul sound designer des jeux. Commençons par ses faits d’armes les plus connus… Disney’s Aladdin (1993) ? C’est en fait Donald Griffin qui a adapté les musiques de films ; Tallarico n’a fait que convertir les fichiers MIDI au format de la Mega Drive, et n’aurait composé qu’une seule piste de transition. EarthWorm Jim (1994) ? C’est son assistant de l’époque Mark Miller qui est crédité à la musique du jeu (pour d’obscures raisons légales selon Tommy), et un dénommé Tony Bernetich a récemment révélé que c’est lui qui avait composé du banjo pour le jeu (« Musicalement, Tommy n’était peut-être qu’un cran au-dessus d’un musicien amateur »), lui qui avait presque signé entièrement la bande originale de sa suite et contribué à d’autres titres de manière anonyme. Il avait également deviné que Tallarico avait repompé La Sonate au Clair de lune sur Internet au lieu de la recomposer lui-même… Et quand il se fend enfin d’une création personnelle, il semble qu’il ait la fâcheuse tendance de recycler les mêmes thèmes dans plusieurs jeux, ce qui rend ses records encore plus discutables bien évidemment.

Et en parlant de recyclage, il est aussi révélateur de se pencher sur le cas de la version Mega CD de The Terminator (1993), bande originale dont Tommy Tallarico est de surcroit le plus fier. Or même si le générique de début du jeu n’affiche que son nom, et que ce dernier (ou plutôt celui de son père, « Tommy V. Tallarico » ?) est également mis en avant sur l’album dérivé, il n’a en réalité composé que cinq des neuf pistes recensées par Mobygames. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, une fois n’est pas coutume, Joey Kuras est sorti de son rôle habituel pour en signer une (Visions), et qu’elle figure même dans un album solo de Tallarico, où son sound designer est certes crédité mais de manière discrète, avec un astérisque. Mais le plus surprenant est sans doute que Tallarico y a recyclé au moins une chanson de son groupe de jeunesse (voir ci-dessous), Destinationz Unknown. Au moins, on est à peu près certain qu’elle soit de lui, à moins qu’elle n’ait été composée par un autre membre du groupe, mais on va lui laisser le bénéfice du doute pour une fois… En fait, il est surtout pertinent de relever que Tommy Tallarico a souvent attendu qu’un jeu devienne culte pour s’attribuer son succès. Ainsi, lorsqu’il se présente aujourd’hui, il mentionne souvent avoir travaillé sur Tony Hawk’s Pro Skater (1999), affirmant même que ce sont ses grognements que l’on entend lors des chutes, alors que seul Joey Kuras est crédité dans le générique, sous le nom de la société cela dit. Et pourtant, lorsqu’il a testé le jeu à plusieurs reprises pour ses émissions télévisées, il n’a jamais refusé de commenter la partie sonore pour conflit d’intérêt, alors qu’il l’avait par exemple fait pour Disney’s Aladdin (1993) et Advent Rising (2005). De la même manière, il prétend aujourd’hui avoir travaillé sur les trois premiers Guitar Hero, alors qu’il est seulement remercié dans le générique du deuxième pour avoir aidé à fournir un morceau d’Aerosmith – et étrangement pas dans Guitar Hero: Aerosmith (2008) !

Mais le cas le plus célèbre est sans doute celui de Metroid Prime (2002), classique que Tommy Tallarico n’oublie jamais d’inclure à son portfolio. À le croire, Shigeru Miyamoto adorait sa musique et voulait collaborer avec lui depuis longtemps, et ils auraient travaillé ensemble « main dans la main » pendant deux, quatre voire cinq ans selon les versions (même si Tallarico prétend parfois que c’est sur la Wii qu’ils ont bossé ensemble pendant cette durée !). Et alors que Miyamoto a probablement confié le jeu aux Texans de Retro Studios parce qu’il n’a jamais été très fan de la série, Tallarico affirme que le légendaire game designer lui aurait carrément donné carte blanche pour créer les sonorités des armes du jeu, afin d’inspirer ensuite les graphistes à l’inverse de ce qu’il se passe habituellement ! Sauf que, lorsque tous les projets du studio ont été annulés à l’exception de Metroid Prime pour se concentrer dessus, le contrat de Tommy Tallarico Studios a pris fin – l’intéressé tient d’ailleurs bien à le préciser quand on dit qu’il s’est fait virer – et Clark Wen a repris le sound design du jeu. Or lui aussi a été interviewé par Shinesparkers et, quand on lui a parlé du concept révolutionnaire évoqué par Tallarico, il a trouvé ça « cool » mais a expliqué qu’il a lui procédé comme d’habitude : les graphismes d’abord, le son après. Et surtout, il a affirmé que seuls deux effets sonores d’armes avaient été créés à son arrivée et qu’il les a repris « plus ou moins tels quels ». Il ne reste donc pas grand-chose du travail de Tommy Joey Kuras dans le jeu, et ni lui ni son patron ne sont d’ailleurs crédités au générique (par oubli selon Tallarico), contrairement à une poignée de sous-traitants. Et d’ailleurs, il ne se gênera pas pour donner son avis sur le jeu malgré cette supposée implication dans l’émission The Electric Playground et lui décernera 7,5, la plus mauvaise note reçue par le classique (ce qui est toujours trois fois mieux que le 2,5 attribué à Super Smash Bros. Melee). Quelqu’un aurait l’esprit de revanche ?

Il n’est en tout cas pas impossible que ce revers soit en partie à l’origine de son éloignement progressif de la composition de musique de jeux vidéo dans les années 2000. Ce qui ne signifie pas qu’il s’en soit détourné pour autant puisqu’en 2002, il a créé l’association G.A.N.G. (pour Game Audio Network Guild) qui réunit les acteurs du milieu. Entre autres activités, cet organisme remet également des prix, et Tommy Tallarico en a tout de même reçu seize qu’il présente bien en évidence sur son site parmi ses nombreux records et récompenses. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, n’est-ce pas ? À ce sujet, il a aussi affirmé en avril 2020 être le détenteur d’un Pioneer Award de la Games Developer Conference, ce qui n’a bien entendu pas pu être vérifié… Terminons cette présentation de sa carrière musicale par Sonic et le Chevalier Noir (2009), l’un des derniers jeux sur lesquels il a travaillé. En réalité, il n’est crédité que sur trois pistes et, là encore, non seulement il les a recyclées de précédents jeux, mais il n’est même pas certain qu’il en soit l’auteur. Et pourtant, cela ne l’empêche pas de se vanter d’être « le premier Américain à avoir travaillé sur la franchise Sonic » bien que Sonic 2 (1992) ait été développé aux États-Unis presque vingt ans plus tôt. Même en supposant qu’il parlait en réalité de musiques, cela ne marcherait pas non plus puisque l’on sait aujourd’hui que Michael Jackson a composé la bande originale de Sonic 3 (1993). Et quand bien même cela n’a été officialisé que récemment, des Américains avaient été crédités à la place de la star de la pop. Et puis Tommy affirmait de toute façon lui-même, dans une conférence de 2014, là encore pour se faire mousser en montrant qu’il connait tous les secrets de l’industrie, que MJ avait bien travaillé sur le jeu…

Maman, je passe à la TV !

Bague du hall of fame des Yankees de New York

Mais si Tommy Tallarico s’est peu à peu éloigné de la composition de musiques, c’est parce qu’il a commencé à développer d’autres activités autour du jeu vidéo, notamment la participation à des émissions de télévision comme The Electric Playground de la fin des années 1990 jusqu’à 2005. Et bien entendu, il ne manque pas de rappeler qu’il a remporté un Emmy pour ce programme précurseur, quand bien même il s’agit en réalité d’une division locale des Emmys, et qu’il ne figure même pas dans la liste des récipiendaires, contrairement à son co-animateur Victor Lucas. Mais c’est le modus operandi typique de la rockstar qui prétend aussi avoir été intronisé en 2007 au Hall of Fame des Yankees de New-York, alors que l’équipe de baseball ne dispose même pas de son propre « Temple de la renommée ». En revanche, elle a un Fantasy Camp, c’est-à-dire qu’elle organise des séminaires coûteux (cinq mille dollars chacun) pour les fans, et qu’une fois que l’on a participé à un certain nombre d’entre eux, on a effectivement droit à une belle bague commémorative. Et bien entendu, les trois photos de l’accessoire sur le site de Tallarico se gardent bien de montrer la mention « Fantasy Camp »… Après, on est tout à fait prêt à croire qu’il est un excellent joueur de baseball amateur.

Toujours sur son site officiel et suivant la même logique d’embellir les faits, on trouve par exemple ce qu’il présente comme une conférence TED alors qu’il s’agit d’une conférence TEDx, soit un évènement indépendant organisé sous licence gratuite suivant le format populaire des versions officielles. Sur la même page consacrée à ses vidéos, on en trouve également une baptisée « MTV Cribs House Tour (2004) » mais vous ne la retrouverez jamais dans la liste des épisodes de l’émission. Et pour cause, comme on peut le comprendre par déduction en explorant les anciennes versions du site, il s’agit sans doute d’un reportage filmé par le défunt site anglais GamerTV, ce qui explique en passant que l’habillage visuel et sonore soit différent du format habituel d’MTV. Mais bien entendu, cela n’empêche pas Tommy de prétendre que sa maison soit apparue « une fois ou deux » dans le célèbre programme.

La résidence en elle-même en dit long sur sa personnalité, entre son salon égyptien, la pièce consacrée à ses récompenses (avec une statue grandeur nature d’Indiana Jones en son centre) ou celle dédiée à Spider-Man, son super-héros préféré. Il dispose également d’une large collection de jeux vidéo mais, là encore, il a tendance à bien exagérer la rareté des pièces que l’on y trouve comme la fameuse Brown Box. À l’origine le prototype de la Magnavox Odyssey conçu en 1966, il s’agit ici d’une des nombreuses reproductions que le regretté Ralph Baer a passé sa retraite à bricoler – plusieurs collectionneurs français en possèdent une par exemple. On n’est en revanche pas qualifié pour authentifier la Ferrari jaune qui apparaît dans la vidéo, mais il a été prouvé que la Lamborghini qu’il conduisait ces derniers temps est en réalité une Pontiac Fiero modifiée. Enfin, si l’on retourne sur la galerie de photos de son site officiel, on trouve tous les selfies qu’il a pris avec diverses célébrités, de Sylvester Stallone à son idole Stan Lee. Il n’hésite pas à les poster sur les réseaux sociaux le jour de l’anniversaire des intéressés pour rappeler qu’ils sont très fans de sa musique et/ou du Video Games Live. Mais la photo la plus surréaliste du lot est indéniablement celle qu’il a prise aux côtés du Dalaï-lama, car il s’agit en réalité de sa statue de cire au musée Madame Tussaud. Et il est quand même allé se vanter sur les forums d’AtariAge qu’il l’avait rencontré à Londres (où se trouve bien le musée, ça c’est exact) et que le chef religieux kiffait ses compositions… On imagine que si on lui en parlait aujourd’hui, il prétendrait que c’était une farce – comme il a affirmé avoir inversé les contrôles d’un jeu Amico « pour troller les détracteurs » quand il a été surpris en flagrant délit d’input lag – mais la photo est tout de même là au milieu de personnalités bien réelles ! Au moins, il semble avoir supprimé la galerie d’images de célébrités portant le T-shirt de Tommy Tallarico Studios (par la magie de Photoshop).

Le concert le plus regardé de tous les temps

Affiche du Video Games Live

Il est donc évident que tous ces mensonges ont surtout servi à bâtir la réputation de Tommy Tallarico, à créer son statut de légende de l’industrie. Car s’il est en général connu des amateurs de musiques de jeux vidéo, il l’est beaucoup moins du grand public, qui en a davantage entendu parler pour le Video Games Live. Lancé en 2005, le concept n’a pas été créé par Tallarico seul même s’il aime bien entendu le présenter comme tel. Il faut dire qu’il est souvent partie prenante de ces concerts, où il joue de la guitare électrique pour accompagner un orchestre local, qui change donc lui à chaque édition. Mais il en est clairement la star ; beaucoup de spectateurs (du moins dans les pays anglophones) se sont d’ailleurs plaints qu’il se mettait trop en avant, parlant longuement de sa carrière et de ses réussites entre chaque morceau, la revue de presse « officielle » étant elle largement bidonnée. Ce n’est donc pas très surprenant qu’il ait décroché son fameux record évoqué précédemment en 2008, car cela lui permettait de se mettre encore plus en valeur. Un témoignage a ainsi précisé qu’il lui est arrivé de recevoir le même record des mains d’un représentant de Guinness pendant plusieurs concerts d’affilée ! Et il n’est donc pas très étonnant non plus que le Video Games Live ait lui-même suscité de nouveaux records…

En l’occurrence deux, « le plus grand nombre de concerts de musiques de jeux vidéo » et « le public le plus nombreux pour un concert de musique de jeux vidéo ». Et outre le fait que préciser, contrairement à ce que fait Tommy Tallarico quand il en parle à l’oral, qu’il s’agit de concerts de musiques de jeux vidéo les rend commodément spécifiques, Guinness n’accepte même plus de challenger pour le premier, tandis que le second est une nouvelle fois très discutable. En effet, il aurait « joué » devant plus de 752 000 à Pékin, selon lui au Bird’s Nest… qui ne contient que 80 000 places (et pas 130 000 comme il le prétend). En réalité, la très grande majorité des spectateurs regardait le concert en streaming, et comme Guinness le reconnaît lui-même, le concert a eu lieu au Beijing Exhibition Theatre… qui ne contient que 2700 fauteuils, dont seulement 2086 étaient occupés ce soir-là. Il est hélas difficile de vérifier le nombre de spectateurs en ligne, mais il est étrange que Tallarico confonde les deux salles où il a joué, surtout compte tenu de la différence de taille. Et bien évidemment, dans la Gamer’s Edition du livre Guinness de 2017, le nombre a cette fois franchi le million dans son interview. À noter qu’il prétend détenir sept records en tout, son site montrant par exemple celui « du plus grand nombre de concerts de musiques de jeux vidéo joués en une année » dont on ne trouve aucune trace ailleurs, mais qui est une nouvelle fois si spécifique qu’il pourrait effectivement le « mériter ». Quoi qu’il en soit, les autres records sont a priori des doublons de son record initial pour lequel il a reçu plusieurs plaques au cours des années.

Et derrière ces records peu glorieux se cache une réalité pas beaucoup plus reluisante. Récemment, de nombreux témoignages de musiciens ayant participé aux concerts confirment tout d’abord que Tommy Tallarico ne joue pas de la guitare en live. On peut du reste s’en rendre compte soi-même en l’observant attentivement (par exemple dans la vidéo ci-dessus), mais un guitariste professionnel nous a confirmé que certains gestes (comme lâcher d’un coup la guitare dans une pause dramatique) ne correspondent pas au son entendu. Pis, il semblerait même que la piste de guitare électrique diffusée pendant le concert ne soit même pas jouée par Tallarico à l’origine… Tout cela ne serait pas très gênant si la rockstar n’avait pas un comportement problématique envers les orchestres locaux avec lesquels il collabore. Car non seulement il tire la couverture à lui mais, d’après leurs dires, les musiciens ne sont bien souvent payés qu’en « exposition » plutôt qu’avec de l’argent. Et si cela n’est peut-être pas illégal techniquement, il y a bien eu une occasion où le compositeur a franchi la ligne rouge. Il a en effet été arrêté en octobre 2009 au retour d’un concert du Video Games Live au Brésil, pour avoir passé la douane avec plus de cent mille dollars sans les avoir déclarés ! Si la possession d’une telle somme en liquide pouvait s’expliquer par une grève avérée des banques ce jour-là, il a prétexté qu’il n’avait pas besoin de les déclarer car la somme avait été répartie à ses musiciens en montants inférieurs à dix mille dollars (le seuil contraignant à les déclarer) pendant le vol… pour tout récupérer ensuite. Or non seulement c’est de la fraude par structuration, mais pourquoi reprendre l’argent à ses collaborateurs s’il s’agit de leurs salaires ? Finalement, il a avoué son crime, plaidé coupable et été en probation pendant un an (soutenu par son papa qui lui a fait une jolie lettre de défense), mais il a dû rendre l’intégralité de la somme à la justice (plus une amende) en compensation. Et surtout, il aura quand même tenté de jeter sous le bus des musiciens qui, d’après le témoignage de l’un d’entre eux, n’ont encore une fois pas été payés… Et rien ne dit qu’il ne pourrait pas être de nouveau inquiété sérieusement par la justice dans le cadre du financement de l’Amico puisque, comme nous allons le voir à présent, ses mensonges ont servi à attirer des investisseurs.

Tommy Tallarico avec un T-shirt Mickey devant la fameuse statue de Jésus à Rio de Janeiro

Une console très SAFE

Un an après le lancement du Video Games Live en 2005, deux évènements ont sans doute constitué des épiphanies pour Tommy Tallarico. C’est en effet en 2006 qu’est sorti son livre de chevet, Le Secret, ouvrage s’inscrivant dans le courant religieux « la Nouvelle Pensée » et qui affirme qu’il suffit de croire très fort en son objectif pour qu’il se réalise… Mais c’est aussi l’année de la sortie de la Wii. À l’occasion d’une table ronde en compagnie du célèbre analyste Michael Pachter (futur soutien de l’Amico), Tallarico se montre extrêmement critique de la console de Nintendo, estimant à l’époque que même les joueurs occasionnels préféraient les beaux graphismes, mais on le sent tout de même troublé quand il avoue que sa mère lui a parlé de la machine. Ce qui n’était pas arrivé depuis bien longtemps, peut-être depuis son enfance passée devant l’Intellivision de 1979, première grande rivale de l’Atari 2600.

Or si la console a été victime comme beaucoup d’autres du krach du marché américain de 1983, elle a perduré grâce à INTV Corporation qui a continué de la commercialiser jusqu’en 1990 puis, à partir de 1997, via des compilations et consoles plug and play sous licence d’Intellivision Productions, fondée par deux anciens de Mattel dont Keith Robinson. Mais ce dernier décède en juin 2017 et moins d’un an plus tard, Tommy Tallarico annonce avoir racheté ses parts et se nomme le nouveau PDG d’Intellivision Entertainment, avec l’objectif bien ambitieux de sortir une nouvelle console en octobre 2020, l’Amico. Or cinq ans après son annonce, la machine commence à faire sacrément long feu, alors que le nombre d’employés de la société fond comme neige au soleil, que les quelques irréductibles qui en font encore partie continuent de dire qu’ils œuvrent toujours à la sortir un jour, et que des infos devraient « bientôt » tomber à ce sujet. On attend toujours… Il serait donc fastidieux de revenir ici sur son parcours chaotique (je l’ai du reste déjà fait en deux parties disponibles ici et ), mais le projet était sans doute déjà condamné dès le début par le sens des priorités très particulier de son PDG. Sa compagnie disposait de quatre bureaux dans le monde (même si celui d’Allemagne était vraisemblablement une simple adresse postale) avant même d’avoir les revenus pour payer le loyer et les salariés, et la console avait plusieurs coloris avant même que son prototype ne soit véritablement achevé, par exemple.

Ainsi, alors que Tommy Tallarico avait promis de ne pas recourir au financement participatif comme l’avait fait Atari avec sa VCS, il a brisé cette promesse au moins cinq fois ! Dès janvier 2020, il ouvre des précommandes qui nécessitent un dépôt de cent dollars « remboursable à tout moment » sauf que certains acheteurs attendent toujours leur argent aujourd’hui. Initialement, l’Amico cible surtout les vieux retrogamers d’AtariAge, forum spécialisé sur lequel Tallarico a mis le grappin un an plus tôt, en février 2019. Au risque de la faire passer pour une console rétro, image que le compositeur a toujours cherché à combattre sans jamais y parvenir, il a donc recouru au « marketing évangéliste » consistant à séduire un public restreint de futurs ambassadeurs de la machine, en particulier une poignée de YouTubeurs qui y ont vu l’occasion de faire décoller (ou pas) leurs audiences. Tallarico n’hésitait donc pas à les brosser dans le sens du poil de collier de barbe, leur faisant parfois miroiter des choses qui n’arriveront jamais, tout en faisant bannir du sujet dédié des forums tous les sceptiques avec la complicité d’un modérateur vendu à la cause, et qui s’est probablement senti privilégié d’être en présence d’une légende de l’industrie du jeu vidéo. Mais alors que la pandémie est sur le point de frapper, et elle aura sacrément bon dos pour expliquer toutes les difficultés rencontrées par Intellivision Entertainment, un changement de design cause dès le lancement des précommandes une (première) augmentation du prix de la console (de $179 à $249), dont elle ne se relèvera jamais vraiment.

La pandémie était censée ralentir les activités de la société, mais les précommandes n’ayant sans doute pas rencontré le succès escompté, elle aura recours à pas moins de quatre plateformes de financement participatif ou plutôt « d’investissement » pour éviter les mots qui fâchent : Fig, Fundable, Republic et StartEngine. Et chaque fois, Tommy Tallarico essaie d’y convaincre les investisseurs avec le même discours où la réalité est fortement embellie. En particulier, il a toujours été très insistant sur les « 600 ans d’expérience cumulés » de son équipe, étoffée par des grands noms comme Perrin Kaplan, une ancienne de Nintendo durant la grande époque de la Wii et de la DS, qui a peut-être été impliquée dans le pitch initial mais qu’on ne reverra jamais après les annonces initiales de 2018. Mais surtout, dans sa vidéo de février 2021 réalisée avec l’aide du business angel sulfureux Neil Patel, il évoque son équipe « d’Avengers » qui compterait Cara Acker, une ancienne de Mattel qui a en réalité quitté la compagnie quelques mois plus tôt, de même que J Allard, l’un des pères de la Xbox, dont l’arrivée en tant que « Global Managing Director » avait fait grand bruit en mai 2020 et qui ne sera finalement resté que quelques semaines… Cela poussera tout de même le SEC, l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, à demander à la plateforme Fig des clarifications sur son rôle, Tallarico prétendant désormais qu’il ne s’agissait que d’un consultant sans grande influence sur le projet, quitte à totalement contredire ses propos aux investisseurs ! Histoire de faire preuve d’un peu plus de transparence, la quatrième campagne de financement sur StartEngine est carrément accompagnée d’un document accablant du SEC où l’on découvre la situation critique de la société, et qui permet de mieux comprendre la hausse de prix de la console ; elle doit rembourser à un investisseur cent dollars sur chaque exemplaire vendu ! Mais malgré tout, cela n’empêche pas la compagnie de continuer à embobiner le monde, à recevoir des récompenses quelque peu prématurées (« meilleur endroit pour travailler », High Tech Award, etc.), à recourir à des acteurs lors de ses évènements publics, à emprunter des éléments graphiques d’autres jeux, ou à prétendre posséder des licences ou travailler sur des jeux alors que c’est faux… On pourrait citer pas mal d’exemples, mais il y a bien entendu celui d’EarthWorm Jim 4, fer de lance de la machine réalisé avec l’équipe d’origine, mais qui n’a jamais dépassé le stade d’une simple animation (dont il a été confirmé plus tard qu’elle n’était pas jouable). Il a été annulé discrètement alors qu’Intellivision Entertainment n’avait peut-être même pas encore négocié la licence avec Interplay

OOF !

Jaquette du jeu Messiah

Mais Tommy Tallarico aurait pu sans doute rester dans un relatif anonymat, l’Amico n’intéressant qu’un public finalement très restreint de joueurs, s’il n’avait pas découvert à la même période que le jeu Roblox était en partie devenu célèbre pour son cri de mort viral, « OOF ». Or même si certains pensent lui avoir trouvé des origines plus anciennes, il est en tout cas apparu quelques années plus tôt dans le jeu Messiah (2000), développé par Shiny Entertainment. Comme les métadonnées du fichier tel qu’il apparaît dans Roblox l’indiquent, le son est encore une fois, techniquement, crédité à Joey Kuras en 1999, mais Tallarico prétend qu’ils l’ont enregistré ensemble et que ce serait uniquement pour des raisons légales – en gros qu’il aurait été le dernier à modifier le fichier – que son sound designer soit le seul mentionné. Admettons. Après tout, ce dernier était bien un employé de Tommy Tallarico Studios à l’époque… Son patron a donc approché la société en charge du jeu bac-à-sable pour voir s’il y aurait moyen de toucher une commission et/ou des dédommagements. Mais tout ne s’est pas passé, encore une fois, comme prévu.

Le 11 janvier 2020, Tommy Tallarico explique la situation dans un live dans lequel il refuse de révéler combien il a demandé, mais il fait bien comprendre que ce qui était offert ne lui convenait pas, et il a même fini par avouer que c’était plus de cent fois moins que prévu. Il y insiste bien sur le fait qu’il ne veut pas retirer le son de Roblox, mais seulement toucher des royalties dessus, d’autant qu’il est persuadé que la popularité de son bruitage (qui n’est devenu un mème que vers 2017, donc plus de dix ans après la sortie du jeu) est la raison principale de son succès. Néanmoins, les développeurs de Roblox affirment avoir obtenu le son d’un CD-ROM qu’ils ont acheté légalement donc, à moins que son origine fût elle-même frauduleuse (auquel cas ils n’auraient pas eu grand-chose à verser pour autant), ils n’avaient rien à se reprocher. Quoi qu’il en soit, après des mois de négociations, il a été décidé en novembre 2020 que le son serait maintenu dans Roblox mais qu’il serait à terme intégré à une bibliothèque de bruitages payante, une fois la boutique en ligne en place. Mais au final, en juillet 2022, le son a juste été supprimé et remplacé par un nouveau, peut-être encore pire. Au moins, Tallarico a pu se faire un peu d’argent avec quelques goodies aux couleurs de « OOF ».

Mais c’est à cause de cette affaire qu’en novembre 2022, Hbomberguy a mis en ligne sa vidéo ci-dessus qui a déjà dépassé les huit millions de vues… Seules les trente premières minutes de celle-ci sont véritablement consacrées à ce que l’on vient d’expliquer, mais elle se penche ensuite sur les choses étranges que Brewis a découvertes en la préparant. Déjà parce qu’il a voulu comprendre qui était l’auteur du son, Joey Kuras étant encore une fois le seul à apparaître dans les métadonnées, et qu’il trouvait étrange que Tommy se présente souvent depuis l’affaire comme celui qui a créé cet effet sonore « pour Roblox » alors qu’il a été conçu pour Messiah. Et c’est alors que Brewis s’est rendu compte de la manière très particulière qu’a Tommy de tordre la réalité selon la situation, de changer plusieurs fois sa version des faits jusqu’à tirer la couverture à lui, une fois le jeu devenu suffisamment populaire pour s’en vanter. Et donc après avoir abordé l’origine mystérieuse du son, la vidéo décortique de nombreux autres mensonges (les records du livre Guinness en particulier) que nous avons déjà évoqués… Et c’est ainsi que Tommy Tallarico est devenu célèbre, et sa mère très fière avec. Suite à la publication de la vidéo, Brewis a reçu tellement de nouveaux témoignages, notamment de musiciens qui ont participé au Video Games Live, qu’il en avait envisagé une seconde, mais il semble avoir changé d’avis, estimant que le compositeur avait suffisamment été « enterré » comme ça et que continuer s’apparenterait à du cyber-harcèlement. Ce qui n’est pas faux mais, en attendant, il y a encore des gens qui aimeraient se faire rembourser de leur dépôt de cent dollars pour la précommande de l’Amico, et le silence actuel de Tommy comme celui de son successeur ne sont pas tellement bienvenus…

Un temps calme

Car il y a encore quelques années, Tommy Tallarico ne se serait pas fait prier pour répondre à cette vidéo accablante, mais au moment de sa publication, cela fait des mois qu’il ne fait plus parler de lui. Début 2022, certains découvrent presque par hasard qu’il a quitté son poste de PDG (CEO) pour celui de CCO, Chief Creative Officer, au bénéfice du vétéran Phil Adam passé par Spectrum HoloByte et Interplay. Ce dernier, qui explique que le changement est déjà effectif depuis quelques semaines (ce qui n’est pas forcément rassurant), annonce alors début mars une « période calme » durant laquelle Intellivision Entertainment doit tenter de convaincre de mystérieux investisseurs dont on ne connaîtra jamais l’identité. Pendant ce temps, des rumeurs enflent autour de la situation difficile de Tallarico, dont on ne saura jamais tout mais qui semble s’être séparé de sa compagne (à qui il avait promis des enfants une fois l’Amico sortie) et qui a vendu une bonne partie de sa collection début octobre – dont des kits de développement Super Nintendo qui ne lui appartiennent pas par définition… Et puis début février 2022, il annonçait les problèmes de santé de son père, qui selon lui refusait de mourir tant que la console n’était pas sortie, mais qui finira tout de même pas nous quitter le 25 avril suivant. On l’a appris via l’ultime publication de Tallarico sur Twitter, et si elle comporte plus de trois cents commentaires, ce sont moins des condoléances que des insultes envers celui qui a osé faire disparaître un bruitage culte de Roblox !

Phil Adam, le nouveau PDG aux côtés de John Alvarado, l’ingénieur principal de l’Amico, lors d’une remise de prix

Il a ensuite fallu beaucoup de temps pour que l’on retrouve sa trace, mais il s’adonne apparemment à des tournois de backgammon, ayant été entraîné personnellement dans sa jeunesse par un champion selon ses dires, tout en participant encore à des concerts comme au Chili récemment. On ignore s’il essaie ainsi d’amasser de l’argent, mais il va en avoir besoin, car on apprenait en fin d’année dernière que la société Amur Equipment Finance attaquait en justice Intellivision Entertainment pour impayés concernant la location de mobilier de bureau. Or Tommy Tallarico est lui aussi partie prenante car il a fait l’erreur de signer une garantie personnelle… Évidemment, tout ceci est d’autant plus embarrassant qu’il aurait sans doute pu s’éviter de telles dépenses alors que les bureaux avaient l’air quasiment déserts dans les vidéos qu’il y a tournées, sans doute à cause de la pandémie même si l’on ne pourra jamais en être tout à fait certain. Et alors que le nombre d’employés de la société se réduit à vue d’œil, celui des défenseurs de l’Amico fond également, limité aujourd’hui à une poignée d’irréductibles dont deux disposent depuis octobre 2022 de prototypes pour les « tester » même si l’on a pas vraiment l’impression que cela ait changé quoi que ce soit à la situation inextricable de la machine. Et cette obsession pour une simple console n’a pas toujours été sans heurt. Ces dernières semaines, trois jeux destinés à l’Amico dont deux exclusifs sont finalement sortis sur d’autres plateformes via un partenariat avec BBG Entertainment mais, de l’avis général, ces titres donnent l’impression de n’avoir pas été finis… Intellivision Entertainment compte aussi lancer « Amico Home » pour jouer à plusieurs de leurs jeux sur mobiles mais, là encore, les premiers retours sont très négatifs du fait de la lourdeur de l’installation nécessaire pour connecter ensemble plusieurs appareils afin de jouer en multi.

Tommy Tallarico assis sur deux chaises pour jouer au backgammon

Cela fait donc à présent plus d’un an que Tommy Tallarico s’est tu publiquement, et même si l’on doute fortement que sa personnalité ait changé du jour au lendemain, c’est déjà une bonne chose qu’il ait pris conscience des dégâts qu’il produit chaque fois qu’il ouvre la bouche… Au fond, ce n’est pas très surprenant qu’il cherche à nous replonger dans une époque où l’on jouait aux jeux vidéo dans une même pièce, à des titres rudimentaires sans mode en ligne ni micro-transactions. Tommy n’a jamais vraiment quitté le siècle dernier, et semble bloqué dans un temps où Internet ne permettait pas encore de vérifier les dires de chacun. Et il est du reste loin d’être le seul, en particulier dans l’industrie du spectacle, à avoir gravi les échelons grâce à son charisme et à quelques mensonges plutôt qu’à son réel talent. N’oublions pas qu’un certain Steve Jobs a dégotté l’un de ses premiers emplois chez Atari parce qu’il y avait présenté un clone de Pong (1972) en réalité conçu par son complice Steve Wozniak, qui a également créé seul les deux premiers micro-ordinateurs Apple. Mais l’Histoire a hélas tendance à ne retenir qu’une poignée de « grand noms » plutôt que la myriade de petites mains qui ont contribué à façonner l’industrie du jeu vidéo – et les autres.

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