La création de l’illustration de mon recueil de nouvelles Torpeurs

Version très manga de l'illustration

Comme je l’avais annoncé à la sortie de Torpeurs mi-juillet, je vous propose un petit making of de l’illustration de la jaquette que je trouve très réussie, et ça me permettra je l’espère de relancer un peu les ventes qui, pour le moment, ne sont pas folles… Je ne m’attendais pas un carton évidemment, mais l’accueil de mon teasing m’avait fait espérer mieux, et surtout toucher d’autres personnes que mes proches ou connaissances directes. Clairement, le livre n’a hélas pas eu beaucoup d’échos auprès de mes lecteurs du Mag MO5.COM. J’avais déjà évoqué début juin mes errements pour le faire éditer et trouver quelqu’un pour cette illustration, et je me concentrerai donc plus sur son concept et sa réalisation elle-même.

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Quasiment dès le début, je voulais que ce recueil ait une couverture qui claque car, même si ce n’est pas ce qui fait la qualité d’un livre bien entendu, c’est ce que les gens voient en premier et c’est ce qui donne envie de le lire à défaut de connaître l’auteur ou d’avoir lu un extrait. Mais créer une illustration pour un recueil de nouvelles est par définition compliqué, puisque chacune raconte malgré tout des histoires assez différentes… J’avais donc eu l’idée dans un premier temps de faire réaliser une affiche collage comme c’était la mode dans les années 1980, influencé par le film The Mist (2007) qui avait remis en lumière Drew Struzan, le spécialiste du genre – il a réalisé les affiches des films de Spielberg, des Star Wars, de Blade Runner, etc. Du coup, j’avais imaginé le protagoniste du Réveil en train de chuter au milieu de l’illustration comme Martin Short sur l’affiche de L’Aventure Intérieure (1987) ci-dessous, et je plaçais autour Le Bébé se retournant vers nous, un Bourdon, Le Lutin, Le Temple, quelques Sourires, etc. Mais cela posait deux problèmes, l’un technique et l’autre artistique.

Les affiches de L'Aventure Intérieure et de Stranger Things

Le problème technique, c’est que ces affiches sont réalisées sur la base de photographies et, même si j’aurais pu en trouver une d’un bourdon ou même d’un type en train de chuter, créer Le Lutin de manière photoréaliste aurait été une sacrée paire de manches. Et puis ce genre d’illustration coûte beaucoup plus cher (plusieurs milliers d’euros via un professionnel) compte tenu de tous les éléments à inclure… Quant au problème artistique, c’est que si l’affiche collage commençait à revenir à la mode quand j’ai eu cette envie (vers 2013 je dirais), c’est devenu entretemps la nouvelle norme pour les affiches de blockbuster (j’avais d’ailleurs le contact du graphiste qui fait les affiches des Marvel), et le style a été largement démocratisé par Stranger Things. Mais c’est surtout pour économiser un peu d’argent, même si je me doutais que j’en serais de ma poche au final, que je me suis résigné à une seule image, quitte à tenter de conserver un style assez photoréaliste. Néanmoins, le choix du visuel n’a lui pas été compliqué, parce que c’était sans doute l’une des visions les plus insolites du livre et dont j’avais une représentation assez précise. Il faut dire qu’elle vient en réalité de très loin…

Je suis à peu près certain d’avoir imaginé cette image d’une tête qui se disloque avec des pistolets à l’intérieur il y a une vingtaine d’années, quand je faisais mes études à Grenoble (donc entre les étés 1999 et 2002), en réaction à The Matrix (1999) que j’avais trouvé un peu trop prosaïque à mon goût. Quand j’avais vu l’agent se dédoubler dans la bande-annonce (voir l’image en bas à droite sur le moodboard ci-dessous), je pensais qu’il se dédoublait réellement, et que ce n’était pas seulement un effet de la vitesse. Il faut dire que j’ai été davantage fasciné par son contemporain eXistenZ (1999), qui est d’ailleurs plus un film sur les rêves que les jeux vidéo. En fait, cette image m’était venue en imaginant un film d’action onirique influencé par le cinéma de Hong Kong, et que je pourrais hélas difficilement développer à présent parce qu’on m’accuserait de plagier Inception (2010), sorti dix ans plus tard et qui est lui aussi bien trop prosaïque à mon avis – je ne rêve pas de courses poursuites à la Call of Duty personnellement… Quoi qu’il en soit, comme l’image n’est pas si simple à décrire et que j’avais envisagé de contacter des illustrateurs étrangers, je m’étais dit qu’il était préférable que je crée d’abord un brouillon.

N’étant pas un super dessinateur, j’avais au début demandé à mon grand frère mais son croquis était un peu trop petit et confus à mon avis. Je me suis donc résolu à le faire moi-même, quitte à utiliser des ciseaux pour découper des morceaux de tête irréguliers, car il était important pour moi que le découpage n’ait rien de logique. Je recherchais plus un surréalisme à la Magritte ou Dali que de la science-fiction façon Total Recall (1990). D’ailleurs, la grosse difficulté résidait dans les « pistons » qui séparent les fragments du reste du corps, car je ne voulais rien de trop technologique ni organique, et il ne fallait pas que ça masque trop le reste non plus… Par ailleurs, comme j’imaginais plutôt un rendu (sur)réaliste plutôt que stylisé comics ou manga, j’ai créé le moodboard avec mes différentes influences ci-dessous (en tout cas celles qui sont conscientes), notamment pour le fond que je souhaitais plutôt informe comme chez Magritte ou sur l’affiche (similaire) du Festin Nu (1991). Et même si elle l’avait loupé initialement, je pense que le moodboard a bien aidé l’illustratrice car les premiers essais allaient tout de suite dans le bon sens – enfin mon sens, car le bon sens ça ne vaut pas grand-chose.

The Matrix, Videodrome, Magritte, Le Festin Nu et Total Recall

Je vais donc vous montrer à présent les différents essais réalisés chronologiquement par Wolfen Graphix, en expliquant nos réflexions et discussions entre chaque version :

Les deux premiers essais avaient déjà sacrément de la gueule ; j’aurais presque été tenté de les utiliser tels quels… Celui de gauche était toutefois un peu trop symétrique à mon goût, tandis que celui de droite présentait un angle de vue étrange, moins dynamique à mon avis (ne serait-ce que la posture des mains). Cela dit, j’aimais plutôt bien le look des « pistons » malgré un aspect un peu trop technologique (quoique) et surtout un rendu plutôt manga.

Elle a ensuite fait plusieurs essais plus ou moins « sérieux » à la recherche d’une piste pour résoudre le problème des pistons, entre des lignes abstraites ou rien du tout, tout en réfléchissant au positionnement le plus efficace et lisible pour les pistolets. Je lui expliquais que je les voulais parallèles (mais se croisant), parce que tels qu’ils apparaissent ci-dessus, ils seraient à mon avis impossibles à saisir en même temps ! Eh oui, même pour une illustration onirique, il faut penser au côté « pratique » pour que l’image soit « crédible » à défaut d’être réaliste.

On a donc abouti à la version à gauche ci-dessus, que j’ai juste fait reprendre pour que l’ensemble soit moins ovale, ce qui donne un côté plus centripète, et donc dynamique.

On a donc pu enfin passer à la couleur, d’abord avec un fond très neutre, puis un fond à la Magritte comme j’avais demandé. Notez également l’ajout des ombres sur les mains.

Ensuite, en plus de la version précédente, l’illustratrice m’a proposé deux variantes, l’une avec le fond neutre mais plus prononcé, et une autre avec un fond rouge mais un léger dégradé. Or même si le rouge est ma couleur de prédilection, je craignais que ça ne fasse un peu trop affiche de propagande communiste chinoise, mais mon frère a eu la bonne idée de suggérer de réclamer une quatrième variante, rouge aussi mais avec l’effet brumeux que je souhaitais. Et c’est ainsi qu’on est arrivé aux deux versions finales ci-dessous, que je n’ai pas su/pu départager comme expliqué à la sortie du livre. Voilà, j’espère que ça vous aura intéressé et surtout donné envie de le lire – et donc de l’acheter (si ce n’est déjà fait bien entendu).

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