Comme je le rappelais au début de mon article précédent, l’Atari ST de mon grand frère a été notre première machine de jeu familiale mais, après quelques années, j’ai éprouvé l’envie d’avoir la mienne. Je ne sais plus comment c’est arrivé précisément mais ça a dû être un mélange de plusieurs influences, comme le fait que la plupart des jeux que j’aimais sur micro étaient en fait des portages de jeux d’arcade japonais, le fait d’avoir vu ces jeux (auxquels je n’avais alors pas le droit de jouer) dans des cafés, en particulier Shinobi (1987), et bien entendu le matraquage publicitaire de l’époque – dont ce spot fameux dans lequel mon poste de télévision me suppliait de lui acheter une Master System… Il aurait pu au moins me prévenir qu’il fallait une prise Péritel ! À l’époque, en tout cas chez moi, acheter une console constituait un investissement dont il fallait étudier en détail les conséquences. Mes parents ont donc dû se documenter auprès de nombreuses enseignes, plus ou moins spécialisées, où certains vendeurs colportaient la légende selon laquelle les consoles abîmaient les écrans – ce qui n’est vrai que si l’on joue à un unique jeu en écran fixe (typiquement Pac-Man), tournant des heures sans s’arrêter comme sur une borne d’arcade, ce qui finit par imprimer l’écran.
J’ai eu aussi l’occasion de raconter, notamment dans un podcast, cette anecdote d’une visite chez Auchan où le vendeur m’avait suggéré la PC Engine (« je l’ai à la maison et j’en suis très content ») mais qui avait fait l’erreur de me la présenter avec un shoot ’em up peu impressionnant (sans doute Galaga ’90) plutôt que Ninja Spirit (1990) qui aurait fait douter mon cœur de fan de ninjas, alors que mon père était prêt à « payer plus cher si c’était de meilleure qualité ». Ce choix, facile sur le moment, m’a hanté bien plus tard, mais je pense avoir fait le bon pour l’époque car la Master System avait ses jeux classés par gammes de prix (99 F, 199 F, 299 F et 399 F) et, dans un premier temps, j’ai dû me contenter des cartouches les moins chères… Il faut dire qu’en plus du prix de la console, il fallait investir dans une nouvelle télévision car notre grosse Telefunken n’avait pas de prise Péritel (ni de télécommande en passant), mais il n’était pas question de la remplacer. C’est presque par hasard que l’on a fini par trouver un type qui nous a vendu d’occasion une Philips 36 cm, un modèle remontant sans doute à la fin des années 1970 ou au début des années 1980. Et pourtant, cette télé increvable m’a servi jusqu’au début des années 2000, notamment dans ma chambre d’étudiant à Grenoble !

« Félicitations pour votre acquisition du Système Maître ! »
À vrai dire, quand la Telefunken a cessé d’afficher une image même quand on tapait dessus, cette petite Philips est devenue quelques mois (voire années) la télé familiale… Et c’est ainsi qu’on m’a acheté chez Boulanger (à 690 F) pour mes dix ans, en août 1990, la Master System. C’était le première modèle avec Hang-On (1985) intégré et le jeu de labyrinthe caché, et je n’avais alors pas la moindre idée que la Mega Drive allait sortir en France quelques mois plus tard… Non seulement il n’y avait pas d’Internet mais le premier magazine exclusivement dédié aux consoles, Player One, n’a commencé à être publié qu’en septembre ! Encore aujourd’hui, je reste très attaché à ce modèle en particulier, avec son lecteur MyCard jamais utilisé, son schéma ésotérique en façade, son bouton Pause au-dessus qu’il ne faut pas confondre avec Reset, et ses manettes qui fonctionnaient par magie sur l’Atari ST. La boîte contenait un CD audio contenant quatre pistes (les thèmes principaux de Power Drift, Phantasy Star et Space Harrier, ainsi que l’excellent thème des niveaux pairs d’Altered Beast) mais il m’a fallu attendre d’aller chez mes cousins pour l’écouter car ma sœur n’a eu sa platine qu’un peu plus tard – une éternité à l’âge que j’avais. Je me suis également inscrit au club SEGA, ce qui m’a valu un chouette pin’s Out Run mais des tristes newsletters trimestrielles de quatre pages…
Mon premier jeu, reçu avec la console, a été Action Fighter (1986), un clone de Spy Hunter (1983) sympathique mais pas forcément très maniable – du moins dans mon souvenir. L’un des meilleurs aspects était d’entrer avec sa moto dans le camion SEGA, comme dans K2000, ce qui permettait de transformer son véhicule… Mais il fallait bien viser ! Et comme à l’époque, les consoles étaient encore souvent fournies avec deux manettes en standard, on ne manquait pas de jouer à deux même si c’était en alternance. Je notais même les scores sur les pages dédiées à la fin du manuel d’instructions, ce que je n’ai probablement plus jamais fait – ce qui ne m’a hélas pas empêché de saccager pas mal de modes d’emploi à l’époque en coloriant les illustrations… Il faut dire que les manuels de la Master System (sans parler de ses fameuses jaquettes parfois minimalistes) puis de la Mega Drive étaient bien austères comparés à ceux de la NES : sans couleur, avec six langues par page et des traductions en général approximatives… Mais au final, je garderai de cette console de très bons souvenirs, aussi bien de jeux à petit budget comme Secret Command (1986) que de titres bien plus chers comme Golden Axe (1989), Indiana Jones (1990), Castle of Illusion (1990) ou encore Astérix (1991).