Il y a un peu plus de trois ans déjà, je publiais ici un article assassin sur Remedy Entertainment, pour moi l’un des studios les plus surestimés dans l’industrie du jeu vidéo. Je venais alors de finir Control (2019) qui était sans doute son meilleur titre à ce jour, mais qui m’avait encore incroyablement frustré et j’avais d’ailleurs fini mon texte par « c’était la dernière fois que je faisais un jeu de Remedy Entertainment. » Mais il faut croire que le temps efface tout puisque j’ai encore souhaité lui donner une chance avec Alan Wake 2, qui il faut dire a semblé encore plus séduire la presse. Et puis de base, le survival horror est mon genre de prédilection. Cela dit, j’avais d’emblée un a priori négatif, ne serait-ce que parce que ce n’est pas de l’horreur matérialiste. Car c’est peut-être inspiré par ma série préférée, mais c’est aussi très nettement influencé et sans doute davantage par Stephen King et Cie, et j’ai beaucoup de mal avec le simple concept d’un écrivain qui modifie la réalité… Cependant, si la fausse série Night Springs a quasiment disparu de cette suite, les références à Twin Peaks sont autrement plus nombreuses, entre le doppelganger, les animaux empaillés, les raccords abrupts, l’humour absurde, les chansons à la fin de chaque chapitre comme à la fin de chaque épisode de la troisième saison, etc. Mais il y a aussi des choses qui ne font pas du tout Lynch.
Déjà, cela reste un jeu vidéo, avec des items et beaucoup de séquences d’action, ce qui ne colle pas bien à l’ambiance de Twin Peaks qui serait davantage un point & click qu’un TPS en jeu vidéo. Même s’il est arrivé à Lynch de faire du gore, je trouve qu’on est parfois bien plus proche du médiocre Mangeur d’Âmes (2024) où il y a aussi des cornes de cerf d’ailleurs. Il faut dire qu’Alan Wake 2 multiplie les jumpscares totalement gratuits et agressifs, car extradiégétiques. Et puis si les chansons de fin de chapitre sont calmes et possiblement lynchiennes, il y a aussi un peu de metal viking. Il faut dire que dans la seconde moitié de la première saison de la série, il y a des investisseurs islandais, et c’est peut-être ce qui incité Remedy Entertainment à intégrer des références à leur culture finlandaise. Mais ils ont à mon avis clairement surchargé le drakkar et, de manière générale, le jeu est extrêmement complaisant dans l’autoréférence, créant une tentative de multiverse avec le flic Alex Casey qui est interprété (physiquement) par le créateur du jeu qui prêtait déjà son visage grimaçant à Max Payne, le concierge de Control (2019) ou encore un shérif adjoint joué par l’acteur de Quantum Break (2016). Alors j’en imagine tout de suite certains me dire que Kojima fait la même chose, mais c’est précisément ce que je n’aime pas chez lui. Et surtout, je trouve que le géniteur de la série Metal Gear est quand même un bien meilleur game designer.

Parce que même si l’histoire m’a gonflé, et que je n’ai pas vraiment écouté les dialogues et surtout pas lu les innombrables pavés de texte (comme à mon habitude), c’est quand même avant tout le gameplay qui m’a déçu. Pour être honnête, il n’est simple pour aucun survival horror à la troisième personne de passer après Resident Evil 4 (2005), mais il y a ici pas mal d’aspects mal fichus. Éventuellement, on sera un peu indulgent avec le level design dans la forêt de Cauldron Lake, parce que ce n’est jamais facile de créer un décor de nature à la fois réaliste et lisible, mais une mini-map aurait bien arrangé les choses, surtout quand accéder à la carte est aussi pénible. Parce qu’autant la transformation de certains décors en temps réel est en effet bluffante, autant on se serait bien passé d’un palais mental/chambre de l’écrivain qui nous fait nous promener dans une pièce au lieu de nous proposer un menu facile d’utilisation. On peut certes passer d’une section à l’autre rapidement avec les boutons de tranche, mais ça reste souvent laborieux, en particulier la consultation de la carte, mais aussi le tableau qui semble clairement pensé pour être utilisé à la souris – idem pour certaines interactions avec des scènes de crime ou des coffres d’ailleurs. Le tableau d’enquête de Saga est particulièrement nul ; on est bien loin du palais mental d’un Sherlock Holmes, mais on se demande surtout qui a pensé que ce serait une bonne idée de nous faire fastidieusement épingler tous les collectibles… Jusqu’à la toute fin du jeu, des notifications apparaissaient à chaque visite du palais pour des pièces que je ne pouvais pas encore poser – et que je n’aurais d’ailleurs jamais pu utiliser si je n’avais pas fait la majeure partie du jeu avec une solution.
À cela s’ajoute une gestion d’inventaire pénible. Oui, c’est souvent le lot d’un survival horror, mais là c’est d’autant plus difficile qu’il n’est vraiment pas évident de débloquer les améliorations de l’inventaire sans solution là encore. C’est vraiment parce que j’ai fait la majeure partie du jeu en invulnérable que j’ai pu libérer mon inventaire de tous les objets de soin… Du reste, même avec un inventaire au maximum, il est quasiment impossible de porter les deux fusils de Saga, et c’est franchement rageant de laisser de côté l’ancien quand on a dépensé des « fragments de manuscrit » (quelle idée stupide en passant) pour l’améliorer – car on ne peut pas booster toutes les armes de toute façon. Par ailleurs, si les clés ne sont heureusement pas comptabilisées dans cet inventaire restreint, on peut vraiment se demander s’il était bien nécessaire de toutes les conserver, même une fois qu’elles n’ont plus d’utilité, ce qui demande chaque fois de faire tout défiler pour utiliser la bonne clé ou accessoire – dont le tournevis qui force certains cadenas, autre idée tordue. Mais comme toujours avec Remedy Entertainment, le pire réside dans les combats. Certes, ils sont moins répétitifs que dans le premier Alan Wake (2010), mais le jeu nous balance rapidement des ennemis incroyablement pénibles comme ces types qui, non contents de nous envoyer des haches de très loin, dans un jeu où l’obscurité rend souvent difficile de les voir, se téléportent sans arrêt et à une vitesse folle, et se subdivisent en deux. Ou comment intégrer dans un seul personnage plusieurs mécaniques pénibles qui auraient gagné à être réparties entre plusieurs ennemis.

Et surtout, comme dans tous les autres jeux du studio finlandais hélas, la difficulté est franchement aléatoire, puisqu’un seul ennemi est souvent facile à éliminer, quand seulement deux combinés peuvent vous tuer très rapidement. D’autant que l’apparition même des ennemis n’est pas très définie, et il suffit parfois de recharger sa sauvegarde pour qu’ils disparaissent… Ce qui nous amène à l’autre aspect qui m’a été insupportable. Les points de sauvegarde ne sont pas répartis très équitablement à mon avis, et s’il y a aussi des sauvegardes automatiques, il n’y en a clairement pas assez. Disons que ce qui est bizarre, c’est qu’il y en a quand on résout une comptine par exemple, mais pas pour les autres collectibles. Alors a priori ce n’est pas grave, sauf que le jeu crashe énormément, en tout cas sur ma Xbox Series S. J’ai eu au moins un crash voire plusieurs à chaque session de jeu, ce qui m’a fait perdre énormément de temps car, en plus d’avoir parfois dû refaire pas mal de choses, j’avais aussi pour compenser tendance à sauvegarder fréquemment, ce qui me contraignait à faire d’innombrables allers-retours – sachant que ça crashait parfois au moment de sauvegarder. C’est aussi en partie pour cela que j’ai rapidement décidé de me rendre invulnérable dans les options (sachant que l’on peut aussi se mettre les munitions ou la lampe torche infinie, entre autres), car les constants game over me faisaient également perdre un temps que je n’ai plus hélas.
Il faut dire que je n’ai toujours pas compris comment on peut se soigner en plein combat, puisque c’est une action lente et que les ennemis sont souvent nombreux et qu’on ne peut pas toujours tous les sonner en même temps. Alors certains trouveront que c’est génial de pouvoir « personnaliser son expérience » en détail en désactivant ceci ou cela, mais moi ça me donne surtout l’impression de tricher. J’imagine que cela correspond à ce qu’on appelle désormais le « mode histoire » dans les jeux AAA, mais comme le récit ne m’intéresse pas ici et que les énigmes sont assez nulles… Non pas qu’elles soient trop faciles comme celles d’un Resident Evil, elles sont surtout souvent obscures, en particulier les comptines – la traduction française n’aide peut-être pas. Et il y a quand même un coffre qui doit être ouvert en résolvant une équation à deux inconnues, par exemple, ce qui n’est pas difficile mais nécessite de prendre des notes. Et la récompense n’est pas toujours à la hauteur de l’énigme, et l’on préfèrera d’ailleurs les conteneurs classiques dont le contenu est en général adapté au besoin du joueur, comme dans la série de Capcom depuis le quatrième volet d’ailleurs.

Parce que le jeu a tout de même des qualités, je ne le nie pas, à commencer par sa réalisation visuelle et sonore. Comme je le disais, certaines transformations de décor en temps réel sont impressionnantes, les décors sont pour la plupart superbes et les personnages photoréalistes, au point qu’on se demande parfois s’il était bien nécessaire de conserver des séquences live, hormis pour la patte transmédia chère à Remedy Entertainment. À ce sujet, les fans du jeu m’ont presque tous affirmé qu’il valait surtout pour une séquence incroyable. Je n’ai jamais eu la confirmation de laquelle il s’agissait, mais je suppose que c’est le chapitre « musical ». Il se déroule dans les coulisses d’un plateau télé, où un clip est diffusé sur les parois du niveau. Or il est vrai qu’on n’a pas l’habitude de voir de la full motion video intégrée de la sorte à un décor de jeu en 3D, mais l’ensemble est à mon avis sans commune mesure avec l’affrontement de The Great Mighty Poo dans Conker’s Bad Fur Day (2001), tout aussi révolutionnaire à l’époque, mais surtout bien plus agréable à jouer. Car ce chapitre est aussi fortement orienté sur le combat, et même si l’on dispose alors d’un lance-fusée assez efficace, cela reste encore très aléatoire puisque l’on peut aussi bien éliminer trois ennemis d’un coup que louper son tir. En fait, je suis prêt à parier que les gens qui ont adoré cette séquence sont avant tout des fans de metal, ou tout simplement des gens qui apprécient la chanson qui accompagne la séquence, mais ce n’est pas mon cas. Cependant, il demeure évident que j’aurais été bien plus convaincu par l’expérience dans son ensemble sans tous ces crashes…
Bref, je serais encore tenté de terminer cet article en déclarant que c’était la dernière fois que je joue à un jeu de Remedy Entertainment mais, me connaissant, je leur donnerai sans doute une autre chance, et je publierai un texte pour m’en plaindre. Satanés Finlandais.
