Même si cet article pourrait apparaître sur l’autre site sur lequel j’officie sous la forme d’un édito par exemple, puisqu’il s’agit de jeux vidéo rétro, je ne voulais pas me lancer dans quelque chose de trop élaboré. Pour MO5.COM, je me serais senti obligé de rédiger une fiche technique pour chaque jeu, de mener des recherches, et surtout de proposer quelque chose de plus construit, voire de plus exhaustif. Tandis que je voulais, moi, rédiger un article dans l’esprit de celui que j’avais signé sur la musique, avec une poignée de jeux arbitraires à (re)découvrir. Ils ont tout de même un point commun ; ce sont uniquement des jeux d’arcade. Il faut dire que j’ai dû me résoudre à réinstaller MAME dans le cadre d’une mission top secret, même si aucun des jeux ci-dessous n’est en rapport avec ce travail. Et il se trouve que je voulais depuis plus ou moins longtemps découvrir ces titres méconnus, la plupart n’ayant jamais fait l’objet d’un portage sur consoles, ce qui explique leur confidentialité.
ELEVATOR ACTION RETURNS (TAITO, 1994)
C’est très clairement le jeu de la liste auquel je voulais jouer depuis le plus longtemps. Car lui était bien sorti sur console, mais tardivement (1997) sur Saturn, et uniquement au Japon. Le problème, c’est que j’avais lu un test dithyrambique dans un magazine, et je l’ai du coup longtemps cherché en vain chez Micromania ou Score Game (à l’époque), sans réaliser qu’il aurait mieux fallu aller dans des boutiques d’import. Il faut dire que le jeu avait tout pour me plaire. Il appartient à un genre que j’appelle « le jeu d’espionnage » dans lequel je mettrais avant tout la série Rolling Thunder mais aussi le premier Shinobi par exemple. Il s’agit à première vue de jeux d’action/plateformes, mais axés sur les fusillades « stratégiques » avec des systèmes de couverture primitifs – ou la possibilité de se cacher derrière des portes à l’arrière-plan – et de manière générale moins bourrins que dans un run ‘n gun, avec même un petit côté infiltration parfois. Mais le genre est ici sublimé par une réalisation 2D de dernière génération, avec des animations hallucinantes, une multitude de détails, des décors interactifs… En bref, tout ce qui fait le sel des jeux Taito de cette époque. Hélas, le titre est assez court et ne prend pas le temps d’explorer toutes les pistes de level design que le concept impliquait. Mais il souffre surtout de son respect au jeu original, puisqu’il s’agit d’une suite tardive du classique de 1983. Or attendre les ascenseurs s’avère ici parfois pénible et les derniers niveaux sont un peu poussifs. Dommage que l’arrivée de la 3D ait anéanti le genre…
DEAD CONNECTION (TAITO, 1992)
J’ai découvert ce titre, et la plupart des suivants, bien plus récemment via Pix’n Love. C’est le numéro 6 qui abordait ce jeu méconnu – l’exemple type du jeu d’arcade qui a souffert de n’avoir jamais été porté sur consoles. Mais s’il m’a beaucoup plu, il n’est pas vraiment comme je l’imaginais. J’ai toujours eu une passion pour les jeux de tir depuis Operation Wolf, en particulier ceux où le perso est à l’écran à la Nam ’75. Je reste notamment fasciné par Dick Tracy sur Mega Drive, tiré du film et qui propose un gameplay assez original mêlant action/plateformes au premier plan, et « tir au pigeon » à l’arrière-plan puisqu’un bouton permet de dégainer son Tommy Gun pour canarder le fond de l’écran, et c’est un vrai plaisir de détruire les fenêtres carreau par carreau ! Mais Dead Connection est en réalité assez différent. Déjà il se déroule dans les années 50, et inclut aussi bien des éléments du Parrain que des Incorruptibles – on reste donc dans le côté cinéma avec un « Taito Film » en introduction. Mais le gameplay est plus proche d’un Commando en écran fixe que d’un Cabal, préfigurant les FRS en deathmatch, d’autant que chaque tableau contient des endroits où se mettre à couvert ; on peut même entrer dans certains bâtiments et tirer de la fenêtre comme le ferait un ennemi ! On retrouve là aussi les qualités et défauts habituels des jeux Taito, à savoir une foule de détails avec un décor hautement destructible, mais un côté poussif sur la durée. Une fois les vagues d’ennemis de base éliminées, les boss sont un peu trop résistants et comme il ne reste plus d’armes à ramasser, ces affrontements traînent en longueur…
OSMAN (MITCHELL CORP., 1996)
Paradoxalement, ce titre autrefois obscur est aujourd’hui célèbre chez les retrogamers. Je l’ai découvert dans Pix’n Love 10, mais avec la sortie récente du reboot de Strider, il est devenu le sujet idéal de trivias pour les journalistes ; connaissiez-vous la suite spirituelle du classique de Capcom ? En effet, même si l’original dont je suis fan et que j’avais fini sur Mega Drive a fait l’objet d’une suite officielle en 99, son créateur travaillait déjà chez Mitchell (Pang), où il a créé trois années plus tôt l’un des derniers jeux d’arcade en 2D, une sorte de chant du cygne généreux et barré. On retrouve clairement le feeling acrobatique de Strider, mais le level design est encore plus délirant, et moins lisible, avec même des bumpers façon Sonic ! L’univers, comme seuls les Japonais osent les imaginer, va lui aussi dans toutes les directions, avec une séquence à dos de sous-marin sur une mer déchaînée, par exemple. Si le contexte à la fois futuriste et soviétique de l’original était déjà surprenant, là on part dans un trip des Mille et une nuits, mais avec des éléments tantôt SF tantôt années 30 (le méchant) et de manière générale une ambiance sous LSD. La musique y est pour beaucoup en alternant les touches orientales, parfois jazzy mais souvent house, avec un thème rappelant les expérimentations de Jean-Michel Jarre dans L’Arche du Captain Blood. Tout aussi perturbant, mais plus gênant, la difficulté est bizarrement dosée ; on possède seulement une vie par défaut – donc deux par crédit comme dans Golden Axe ci-dessous – mais la plupart des boss peuvent se battre sans difficulté en balançant ses trois smart bombs. En revanche, il y a un passage très difficile à la fin où on repart en arrière au « checkpoint » quand on meurt, et les séquences où il faut courir pour échapper à un danger ne sont pas très bien fichues – je suis même tombé dans le vide pour réapparaître sur la terre ferme dans la dernière.
GOLDEN AXE: THE REVENGE OF DEATH ADDER (SEGA, 1992)
Ce jeu est l’archétype du titre oublié non seulement parce qu’il n’a pas été porté sur consoles, mais aussi parce que la version Mega Drive de l’original avait été dotée en 1991 d’une suite appelée Golden Axe II, hélas trop similaire au premier épisode. C’est via le numéro 18 de Pix’n Love que j’ai découvert cette véritable suite, de nouveau conçue par Makoto Uchida (Altered Beast, Alien Storm, Die Hard Arcade) dont je suis un inconditionnel – et sans doute le seul… On retrouve certes la plupart des éléments de l’original, mais tout (ou presque) y est enrichi et embelli. La panoplie des coups est cela dit presque aussi limitée ; il y a toujours deux coups sautés mais il n’est plus nécessaire de courir pour déclencher le plus utile des deux, et un coup spécial avec les deux boutons a été ajouté. Le jeu offre aussi de nouveaux Bizzarians comme une mante religieuse – automatiquement géniale – ou un scorpion géant, qui disposent de leur propre arsenal complet. À cela s’ajoute la possibilité d’emprunter également des catapultes et autres pièces d’artillerie, même si le format de l’écran est peu adapté. De manière générale, l’animation est encore meilleure que dans l’original en arcade, et le titre fourmille d’interactivité (prisonniers à libérer, interrupteurs à actionner, etc.). On retrouve le souci du détail propre à Uchida, notamment sur l’ambiance sonore, mis en valeur par une plus grande variété de lieux, d’autant qu’il y a des embranchements ! Julien Annart avait d’ailleurs bien raison de mentionner dans Pix le combat dans l’obscurité ou chaque entrechoc d’arme éclaire la pièce ! De même, si l’on retrouve les classiques scènes au coin du feu avec les lutins à persécuter, chacune fait l’objet d’une mise en scène particulière. Au rang des déceptions, on notera les utilisations gadget du Super Scaler (pour des séquences en profondeur) et même de l’image de synthèse (pour l’interlude sur la carte). D’autre part, même si l’on peut incarner quatre personnages cette fois, et simultanément de surcroit, je trouve qu’ils manquent de charisme en dehors du barbare…
SLY SPY (DATA EAST, 1989)
Si beaucoup de jeux ont été influencés par James Bond, celui-ci est sans doute l’adaptation non officielle la plus proche de sa source d’inspiration. Dès l’écran-titre, on reconnaît assez bien Sean Connery de profil, même si une fois en jeu, le sprite me semble plutôt inspiré par George Lazenby, compte tenu de la coiffure et de la chemise – ce qui n’est pas pour me déplaire… Sinon, le titre enchaîne les références à peine déguisées, au point qu’il est parfois étrange de voir un boss combinant Jaws et Tee Hee, alors qu’il ne se gêne pas par ailleurs pour introniser Oddjob tel quel en boss du level 7 ! Le premier niveau reprend le saut en parachute inaugural de Moonraker, le troisième évoque la séquence en moto de Jamais plus jamais – certes pas un 007 officiel mais Data East n’en a cure – et on trouve même le scaphandrier de Rien que pour vos yeux en boss du level 5. Enfin, la table des high scores singe l’affiche de Tuer n’est pas jouer. Niveau gameplay, il faut collecter des pièces de pistolet d’or, cité tel quel, pour obtenir un super tir temporaire, et on peut parfois voler le jet pack ou le propulseur sous-marin d’un ennemi (Opération Tonnerre). Hélas, c’est justement sur le plan du game design que le jeu déçoit ; sans avoir la subtilité des films, il aurait pu au moins s’approcher d’un Rolling Thunder. Mais les actions sont limitées – le héros peut regarder vers le haut mais pas tirer en l’air – et les munitions sont distribuées trop généreusement pour qu’on ait à les gérer. C’est sympathique pour les fans, mais assez bourrin et répétitif.
ROBOCOP (DATA EAST, 1988)
Là je triche un peu, parce que RoboCop est justement très connu, mais les portages micros réalisés par Ocean ont complètement éclipsé « l’original » en arcade. C’est un cas intéressant car comme je l’ai expliqué dans ma chronique dédiée à l’éditeur britannique, celui-ci avait acquis la licence puis l’avait léguée à Data East pour créer un jeu d’arcade avant de l’adapter sur micros. Mais quand j’ai lu les témoignages de la seconde partie du livre, cela m’a perturbé parce que le programmeur Mike Lamb y déclare avoir œuvré au game design. En réalité, il s’est sûrement contenté de simplifier le level design et d’ajouter les mini-jeux, à l’exception du stand de tir déjà présent. Au final, si l’on recoupe l’avis des employés d’Ocean, RoboCop est l’un des meilleurs jeux à licence avec Les Incorruptibles ; ils ont pris leur temps pour ce dernier, contrairement à Darkman et surtout Total Recall, qui a dû être entièrement refait en quelques semaines ! Autrement dit, les meilleurs jeux occidentaux sont parfois made in Japan ! En tout cas, ce jeu d’arcade est à découvrir car même si le portage 16-bit s’avère fidèle, les voix digitalisées ne se limitent pas ici aux directives de l’écran-titre et on a droit à de chouettes « Your move, creep! » durant les affrontements avec ED-209. Hélas, comme bien souvent en arcade, les deux derniers niveaux sont hystériques au point de ralentir, et il est parfois difficile de survivre plus de quelques secondes, même en faisant attention. Le jeu recycle aussi un peu trop ED-209, quitte à le dédoubler dans l’avant-dernier niveau – comme dans le remake ! Le tir triple manque aussi de pêche en comparaison de l’arme de base, mais c’est sans doute volontaire.