Même si certains se sont peut-être déjà retrouvés dans les deux précédents, ce souvenir est sans doute encore plus universel. À vrai dire, mon frère a exactement le même, mais avec un autre film et pas n’importe lequel : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (1986), celui de mon premier souvenir (sur ce blog s’entend, hein ?). En même temps, c’est assez logique puisque c’était le premier film que nous allions voir sans ma mère. Or Le Grand Bleu (1988) est le premier que je sois allé voir seul et, pour l’anecdote, le premier que je sois allé voir deux fois puisque j’y suis retourné accompagné par la suite. Et aller voir un film tout seul, quand on n’a pas encore huit ans, c’est assez impressionnant, même quand la salle n’est pas très loin de chez soi. Je ne me souviens plus si j’avais l’habitude d’arriver en avance à cette époque mais, même si le cinéma ne comptait (et ne compte toujours) que deux salles, il était difficile de ne pas échapper à l’angoisse de s’être trompé… Car une fois assis, rien ne nous confirme qu’il s’agit de la bonne. Mais le pire, c’est quand la séance est commencée, et pas seulement pour trouver son chemin dans le noir. Ce cinéma ne passait alors pas encore de publicités et, comme on arrivait donc forcément pendant une bande-annonce, ou pouvait avoir l’impression que le film était commencé. Je me souviens très bien avoir eu ce doute devant celle du Nom de la Rose, mais ce devait justement être avant Jack Burton, vu les dates.
Alors oui, Luc Besson, c’est nettement moins classe que John Carpenter. Mais il faut avouer que le film était quand même sacrément impressionnant, et je me demande si les enfants qui découvrent Valérian aujourd’hui ont le même choc dans la mesure où tous les autres blockbusters sont bourrés d’effets spéciaux… Et puis objectivement, la musique d’Éric Serra ne ressemblait à rien de que l’on avait entendu dans un film jusqu’à présent. Mais au fond, je crois que j’ai été très perturbé par le côté inclassable du film, par moments comique, par moments tragique, qui se présente comme un biopic – Jacques Maillol existe – mais qui est pourtant totalement fantaisiste, voire fantastique. C’est indéniablement le film le plus personnel du réalisateur, et ça se ressent. À l’époque, je l’avais adoré puisque je l’avais non seulement vu deux fois, mais encore une troisième fois quand la version longue est sortie. Je l’ai peu revu depuis mais encore aujourd’hui, je le connais presque par cœur – d’autant que Serra avait l’habitude de créer une sorte de chanson mixant les répliques du film – au point que mon sentiment ressemble à celui que j’aurais devant mon propre film : un mélange de fierté devant les scènes qui restent spectaculaires, et d’embarras devant celles qui tombent à l’eau…