Le 1er février, je postais l’article (a priori) final de mon blog de développement de Sanguelia même si je lançais, dans le dernier paragraphe, quelques pistes pour faire évoluer le concept, ou pour un autre jeu. Depuis, j’ai pas mal réfléchi et j’ai pensé que je pourrais fusionner plusieurs vieilles idées en une seule. Néanmoins, soyons clairs d’emblée ; je n’ai toujours pas le temps de bidouiller avec ClickTeam Fusion… Je ne suis donc pas certain que le concept que je développerai dans cette nouvelle série d’articles se concrétisera, ni même qu’il ira plus loin que la simple idée, dans ma tête et sur ce blog. Du coup, il n’y aura probablement plus beaucoup d’astuces de « programmation » et je parlerai surtout de game design et de création d’univers. Cela me permettra toutefois de revenir sur plusieurs projets mentionnés ici ou là à propos de Sanguelia, et je tâcherai de glisser quelques anecdotes – du moins si je m’en souviens. Parce que je vais revenir à des concepts vieux de quinze ans pour certains, ce qui donnera au tout un caractère plus nombriliste, mais pas beaucoup plus que mes autres articles… Et il va falloir faire preuve de patience pour savoir ce qu’est El Dorado !
Tout commence il y a quinze ans, en effet, alors que je suis en école d’ingénieur en informatique. Me destinant déjà aux jeux vidéo, je multiplie les concepts mais il y en a un sur lequel je concentre mes efforts. J’ai déjà eu l’occasion, ici ou là, de mentionner ma fascination pour Dick Tracy sur Mega Drive par exemple, mais j’ai d’autres fétiches un peu étranges, comme celui de Warlock. Titre tardif des consoles 16-bit, publié en 1994 par l’éditeur tristement célèbre LJN, c’est l’adaptation du film « d’horreur » éponyme – plutôt un mauvais clone de Terminator en remplaçant le futur par le passé, et Schwarzie par un sorcier pas sympa joué par Julian Sands. Outre le fait que le jeu est très bien animé – comme pas mal de titres de l’époque cela dit, y compris sous licence – il présente un élément de gameplay inhabituel et surtout très agréable en termes de sensations. En maintenant un bouton, un globe se met à flotter de manière très classe entre les mains du protagoniste, qui peut ensuite l’envoyer dans plusieurs directions. J’ai donc toujours eu envie de créer un jeu tournant plus franchement autour de ce système, parce que dans Warlock, on se sert plus de la salve d’énergie :
Mais comme je me destinais à être un professionnel de l’industrie, avec les résultats que l’on connaît, je voulais faire les choses bien en suivant les préceptes de Shigeru Miyamoto. Et ça commençait bien puisque je partais d’un gameplay avant de bâtir l’univers autour. Il s’agirait d’un jeu de plateformes, du moins vu de profil, dans lequel on lance un objet qui revient comme un boomerang, et qui pourrait acquérir de nouveaux pouvoirs. Dans un premier temps, il faudrait par exemple lancer le projectile vers une torche pour l’enflammer, afin d’embraser ensuite un obstacle. Ensuite, une fois le boss du niveau vaincu, on disposerait de ce pouvoir de manière permanente, et il faudrait bien sûr le combiner avec d’autres pour résoudre les énigmes. En bref, ce serait un jeu d’action/aventure à la Zelda ou Metroid, mais avec un mode de contrôle plus spécifique. Après avoir bien entendu pensé à un disque façon Rygar, je me suis dit que le protagoniste pourrait être un squelette qui lance sa tête. Cela rend (toutes proportions gardées) relativement logique le fait que la tête revienne en place et qu’elle puisse acquérir des pouvoirs. Et ça donnait une piste pour l’univers.
Parce que le premier problème qui se pose, c’est qu’un squelette est rarement vu comme un héros potentiel. J’ai donc imaginé un scénario parodique où l’on joue le rôle d’un sous-fifre qui décide un jour de se rebeller contre le Seigneur du mal, vu qu’il se rend bien compte que lui et ses potes servent de chair à levelling pour les héros de lumière. D’ailleurs, en détaillant l’ensemble, je m’étais dit que dans chaque zone, on rencontrerait la parodie d’un héros de jeu vidéo d’heroic fantasy (Link, Arthur, Simon Belmont, etc.) et qu’il faudrait le battre pour obtenir la carte du coin, ou une récompense à déterminer. Et ça s’appelait (temporairement) Stalfos, en référence au nom des squelettes dans Zelda, ce qui avait le mérite de tout de suite situer le personnage et l’ambiance du jeu. J’avais rédigé un document de design assez complet, en enrichissant la formule et en me rabaissant à intégrer des éléments de RPG pour m’inspirer de Wonder Boy. Je me suis rendu compte plus tard qu’il avait quelques erreurs de conception mais de toute façon, le prototype n’a jamais dépassé le premier niveau incomplet, comme d’habitude… Mais il faut dire que j’ai rencontré des difficultés.

Stalfos, c’est lui !
Comme je l’expliquais dans cet article, j’ai longtemps été frustré par les limitations de Klik & Play, et j’aurais sans doute pu concrétiser plus vite Stalfos si j’avais eu vent plus tôt de l’existence de The Games Factory 2, qui n’était hélas pas sans défaut. Je me suis par exemple rendu compte, dès le premier niveau, que les personnages ne suivaient toujours pas les plateformes mouvantes ; il faut les « accompagner » en marchant comme dans certains jeux, mais l’idéal aurait été de programmer le bon comportement manuellement. Et puis je n’arrivais pas à me décider sur le mode de contrôle. Il aurait sans doute été mieux d’utiliser le même que dans Warlock, en maintenant un bouton, mais avec l’arrivée des manettes à double stick analogique, et plus tard aux écrans tactiles, j’avais très envie de séparer le contrôle du personnage et celui de sa tête. Or, à l’époque, les logiciels de ClickTeam ne géraient pas encore deux sticks. Je m’étais donc résolu à une utilisation de la souris pour lancer la tête vers le curseur, ce qui oblige par conséquent à employer le clavier pour diriger le personnage – une solution vraiment désagréable pour un jeu de plateformes à mon avis.
Et ce n’était même pas le plus gros problème. Non, le souci est qu’à l’époque, je maîtrisais mal le logiciel et j’avais beaucoup de mal à obtenir le résultat voulu sans multiplier les compteurs et les évènements (les lignes de code pour les logiciels ClickTeam). Lorsque je cliquais, comme la souris pouvait se trouver loin du personnage mais que je voulais que le crâne ait une portée limitée, quitte à l’augmenter en cours d’aventure, il m’était très difficile d’arrêter sa course et de le faire revenir en place. En plus, si le crâne rencontre un obstacle, il faut qu’il revienne plus vite, et tout cela était rendu inutilement compliqué par le fait que j’autorisais, contrairement à Warlock, le joueur à se déplacer en même temps. Du coup, son crâne devait être à tête chercheuse pour retrouver sa colonne vertébrale sans encombre. Entre les crânes qui se dédoublaient, qui quittaient l’écran sans jamais revenir ou qui partaient en vadrouille façon casse-briques, je ne parvenais pas à programmer ça simplement. Et il faudra attendre 2012 pour que je parvienne enfin à obtenir le résultat souhaité, mais entre-temps, le jeu avait totalement changé d’univers… Ça, j’en parlerai dans le prochain Level !