Il y a déjà plus de trois ans – plusieurs liens de vidéos sont d’ailleurs morts entretemps – je publiais un article présentant vingt artistes que j’apprécie et qui me semblaient assez méconnus à l’époque ; certains d’entre eux ont bien percé depuis. Et j’avais découvert plusieurs d’entre eux grâce au Mouv’, radio reconvertie depuis quelques années au rap à la manière de Skyrock à une autre époque – cela fait donc deux fois que ça m’arrive ! Cependant, j’avais déjà changé de fréquence depuis longtemps lors du changement dans le cas de Skyrock, tandis que j’écoute toujours Le Mouv’, mais plus pour l’absence de pubs et pour les animateurs, et je regrette d’ailleurs davantage la disparition (ou du moins la diminution) de journalistes de qualité plutôt que la nouvelle programmation musicale. Ils ont en tout cas été beaucoup raillés à l’époque, car ce changement brutal (quoique préparé par la diffusion progressive de rap accessible comme Disiz ou Soprano) pouvait paraître un véritable suicide éditorial, et il est évident qu’ils ont dû perdre pas mal d’auditeurs sur le moment. Et pourtant, ils ont sans doute eu raison à long terme puisque les statistiques montrent bien que ce sont Niska, Damso et Cie qui trônent sur les premières places des différents classements de streaming…
En ce qui me concerne, côté rap, j’en étais resté à Afrika Bambaataa et il n’y a guère que Stupeflip (évoqué justement dans mon précédent article) que j’appréciais dans le rap moderne. Mais bon, les sentiments étant directement liés aux souvenirs, on finit par aimer à force d’écouter, même s’il y a quelques artistes que je n’arrive pas à encadrer comme Jul, Black M ou PNL. Oui, c’est un poil gonflé de placer ce dernier groupe archi-populaire, et même au-delà des sphères habituelles du rap curieusement, avec les deux guignols qui précèdent, mais je ne comprends quasiment rien à leurs borborygmes autotunés et, quand je saisis un morceau de phrase genre « Au fait moi j’ai les couilles de papa », je le regrette aussitôt… Mais en quelques années, j’ai quand même relevé quelques « sons » – on ne parle pas de chansons pour le rap, de même qu’on dit « projet » et non album – que j’aime vraiment bien, même si cela tient souvent davantage à la prod (la musique) qu’aux paroles ; c’est clair que j’ai beaucoup de mal avec le rap hardcore souvent baigné de notes stridentes répétitives et malaisantes. Hélas, je reste assez frustré car j’aime rarement plus d’un son par artiste comme on va le voir, d’où le choix ici de dix singles uniquement, et aucun album comme l’autre fois.
En bombe – Alonzo
C’est de mémoire le premier son de rap français diffusé sur Mouv’ sur lequel j’ai vraiment accroché, mais il illustre à la perfection ce que je viens de dire ; j’avais déjà cherché à l’époque les autres créations d’Alonzo et ce que j’avais entendu ne m’avait pas plu, pas plus que ce qu’il a produit depuis malheureusement… Il faut dire que la musique est ici vraiment chouette et les paroles bien percutantes, voire même assez jubilatoires, je trouve, par moments.
Fautes de français – Lino (ft. Dokou)
C’est à mon avis le son idéal pour convaincre un profane de la qualité du rap français car je pense qu’à peu près tout le monde s’accordera sur le fait que c’est très bien écrit. Et en plus la musique est chouette, ce qui n’est pas forcément le cas d’autres sons de Lino que j’ai écoutés. À la même époque, j’aimais bien aussi Smile de Youssoupha mais je m’en suis lassé.
Saturne – Nekfeu (ft. Sneazzy & S.Pri Noir)
Là on passe sans doute à quelque chose de bien plus connu du grand public puisque Nekfeu a fait pas mal de télé, même si ce son n’a apparemment pas de clip officiel. Or je trouve ça quand même assez surprenant car il a été beaucoup diffusé sur Mouv’, peut-être plus que Ma Dope par exemple. On est tout de suite dans un registre moins grave mais ça reste très bien écrit et percutant ; la rime sur Netanyahou est quand même brillante je trouve…
Scarface – Booba
Mon premier contact avec le fameux Booba a été difficile, car il s’est mis depuis quelque temps à faire du zouk love assez minimaliste, accompagné de babillages à l’autotune. J’ai du mal avec sa voix de débile mais ses prods sont parfois très réussies comme là. Après les paroles demeurent horriblement sexistes même s’il a fait bien pire en la matière, et je trouve intéressant qu’il dédie un son à Scarface en n’abordant que la partie « romantique » du film… Il retrouve en plus la maladresse de Pacino, un vrai péquenaud au début mais qui finit par attendrir Michelle Pfeiffer par son insistance. Il prétend quand même ne « pas lui faire à la DSK » dans le premier couplet, pour annoncer dans le suivant son intention de la violer à répétition… Mais tout cela prend une autre tournure si, comme moi, on se persuade qu’il chante « Les autres en face sont jaloux – Pâtes fraaaaaîches » dans le refrain. Je vous laisse donc le constater devant ce clip en vous posant une question philosophique ; Booba a-t-il vraiment la grosse tête ou porte-t-il simplement des casquettes beaucoup trop grandes pour lui ?
Rouge et bleu – Kalash ft. Booba
Voilà un son qui ressemble plus à ce que fait Booba ces derniers temps. En l’occurrence c’est un featuring mais il serait bien difficile pour une personne à qui on le fait écouter de déterminer qui est l’invité. Cela dit, Booba semble avoir un certain savoir-faire pour dénicher des talents comme ce Kalash et d’autres qu’on va voir plus bas, qui écrivent et chantent bien mieux que lui en général… Et on ne peut pas dire qu’il se garde pour lui les meilleures prods, même si je dois reconnaître qu’il a fait en solo quelques bonnes choses récemment comme DKR.
E. Signaler – Damso
Damso a signé l’un des gros succès de l’été avec Macarena, qui a injustement éclipsé ce son dont on trouve difficilement des versions correctes ; le niveau sonore est hélas vraiment bas dans la vidéo ci-dessous, mais c’est ça ou un écho horrible… Lui aussi est une découverte de Booba mais il nous vient de Belgique, ce qui explique que l’on entende au détour d’un couplet « épouisé ». Or il me semble que Damso a un talent évident pour le rap d’autant qu’il ne recourt pas à l’autotune. On remarque en passant une tendance dans le rap français à citer plus ou moins volontairement de la vieille variété ; Booba a signé un Tombé pour elle par exemple, et certains passages ici rappellent Kyo (!) et Gainsbourg. Ça fait passer les paroles sexistes…
PMW – Shay
Voici une autre découverte belge de Booba mais dans un autre registre. Là je dois avouer que ça tient plus pour moi du plaisir coupable, d’autant que j’ai ici un vrai problème avec la prononciation de l’anglais ; rien que Shay se dit « shy » en fait, mais on note aussi l’alcool J&B prononcé « Jibé », et « catch up » comme « ketchup », sans compter que ce verbe signifie rattraper (son retard) et n’est pas transitif. Les bitches n’ont donc rien à faire en CoD ! En bref, un petit détour par cet article peut s’imposer… Mais bon, là encore, c’est plus la prod que j’aime et je comprends tout à fait qu’on l’ait accusée de ne pas avoir écrit ses paroles elles-mêmes vu qu’elles semblent ici clairement pensées pour un homme – ou une lesbienne, ce qu’elle n’est pas. Et puis il y a beaucoup d’autotune, mais cela arrange peut-être sa voix nasillarde…
Cabeza – Shay
Là je veux bien croire qu’elle ait écrit ses paroles elle-même, vu que personne ne se vanterait d’une rime aussi riche que « plus d’effet » répété deux fois de suite… Mais la prod est une nouvelle fois sympa, et le clip nous change des comptages de billets sur le parking de la cité :
Mobáli – Siboy (ft. Damso & Benash)
Ça, c’est mon son préféré du moment. De base j’aime bien les trucs rythmés qui donnent envie de danser (même si je ne m’exécute pas forcément, du moins pas en public), mais une bonne partie de l’afro trap, popularisée ces derniers temps par MHD, est quand même un brin saoulante et me lasse bien vite en tout cas… Peut-être que là c’est encore trop récent et que je détesterai dans un mois, mais le rap de Damso vaut l’écoute à lui seul pour moi :
Allo Maman – SCH
Et on finit un peu comme on a commencé vu que je n’aime pas du tout ce que fait SCH à part ce son en particulier, d’autant qu’il a lui aussi une voix de débile à la Booba, peut-être en pire. Après, c’est le cas classique des paroles qui nous touchent parce qu’on est dans un certain état d’esprit, et ce son évoquant forcément Alain Souchon me file parfois la larme à l’œil…