Moquez-vous, mais vous verrez que quand vous vieillirez, vous aussi vous vous mettrez à écouter ce genre de radio… Plus sérieusement, Europe 1 a toujours compté pour moi, tout simplement parce que c’est ce que mes parents écoutaient. J’ai donc grandi avec pas mal de leurs émissions, en particulier Crime Story dans laquelle Serge Sauvion, le doubleur de Columbo, racontait les histoires d’Alfred Hitchcock. Cela dit, ça n’a jamais été jusqu’à récemment la radio que j’écoutais principalement mais, avec le confinement, Mouv’ ne passe plus que de la musique et le rap commence à me lasser – et c’est pas faute d’avoir essayé… De toute façon, je ne peux pas vraiment compter sur une radio pour diffuser la musique que j’aime, donc autant en écouter une pour les infos. Et Europe 1 est de tout de même moins à droite que RTL et RMC globalement, mais c’est peut-être aussi pour ça qu’elle est encore loin derrière dans les audiences. Ces dernières ont toutefois remonté depuis la rentrée or, en fin d’année dernière, j’ai eu l’impression que la radio privilégiait les invités de droite…
Comme j’ai eu l’occasion de suivre un cours sur Excel dans le cadre de ma formation, et comme j’ai la fâcheuse tendance à oublier très vite ce que j’apprends, j’ai souhaité poursuivre l’entraînement en vérifiant mon sentiment. Je me suis donc mis à consigner les invités des interviews politiques du matin (8h20) et du soir (19h10), sachant que ce ne sont pas les seules bien entendu, mais celles que j’ai l’habitude d’écouter. Mais peu après avoir commencé, David Doukhan, en charge de l’interview du soir et surtout le responsable du service politique de la station, a quitté Europe 1 pour Le Parisien, ce qui donne d’ailleurs un indice sur sa couleur politique. Du coup, j’ai rempli rétroactivement mon fichier jusqu’à début septembre, ce qui a adouci le constat même si on sent tout de même une nette différence (et amélioration pour moi) depuis son départ comme on va le voir… Et puis autant Sonia Mabrouk peut m’agacer par son côté « avocat du diable » parfois excessif – « S’il suffisait de prendre l’argent des riches et de le donner aux pauvres pour réduire les inégalités, ça se saurait ! » après quoi Cécile Duflot a dû lui expliquer le principe de la Sécurité Sociale –, autant Doukhan me donnait l’impression d’écouter un enfant jouer à l’intervieweur politique plus qu’autre chose…
Ci-dessus, on peut voir donc la répartition des invités des deux rendez-vous entre le 2 septembre et le 22 novembre compris. Comme on le constate, La République En Marche représente quasiment la moitié des invités mais je n’y vois pas de connivence ; cela me semble tout à fait légitime que le gouvernement rende des comptes. Non, ce qui m’a interpelé, c’est que Les Républicains représentent près de la moitié des invités restants. Au moins, on peut se féliciter que le Rassemblement National soit peu représenté – en même temps™, ils ont assez peu de porte-paroles et ce sont toujours les mêmes qui sont invités. Néanmoins, s’il fallait refléter l’électorat, ces derniers devraient être beaucoup plus nombreux, et France Insoumise également… Les « extrêmes » sont donc rangés dans le même rayon des indésirables, ce qui est bien sûr discutable. Cela dit, même si l’on peut aussi débattre de la pertinence des résultats des élections européennes qui se transforment souvent en référendum contre le gouvernement, ce sont surtout les Verts les grands perdants ici, que j’ai intégrés aux « Divers Gauche » (DG) avec le Parti Socialiste et les représentants syndicaux de gauche.
À ce sujet, je précise que j’ai classé le dirigeant du MEDEF en « Divers Droit » mais que je n’ai pas compté les invités du civil même lorsqu’ils sont très « colorés » politiquement dans un sens ou dans l’autre, comme Johan Sfar ou Bernard Arnault. Il est intéressant de noter que les intervieweurs sont toujours extrêmement bienveillants avec ce type d’invités, au point que je me sois sérieusement demandé si Sonia Mabrouk essayait en réalité de piéger Arnault en lui demandant son opinion sur le climat social et même en prenant la défense de Donald Trump… Quoi qu’il en soit, j’ai fait les mêmes choix pour les deux périodes, et la comparaison est équitable puisque la seconde, du 25 novembre au 14 février et durant laquelle Aurélie Herbemont a remplacé David Doukhan (à l’interview, pas en tant que responsable du service), correspond elle aussi à cent invités pile (ce qui était une coïncidence dans le cas de la première période). Et je pense que la comparaison entre les deux saute aux yeux :
Alors que les partis de droite (sans compter celui du gouvernement) représentaient plus de 70% des invités durant la première période, on a cette fois un équilibre quasi-parfait entre la gauche et la droite. Et pourtant, La République En Marche est encore plus présente, et même légèrement majoritaire. En même temps™, il faut nuancer ce constat par le contexte. Car avec la réforme des retraites, il était assez normal, d’une part, que le gouvernement soit encore plus sollicité et, d’autre part, que la gauche le soit également puisqu’elle incarnait davantage l’opposition en la matière. D’ailleurs, dans le détail, c’est bien plus irrégulier, avec parfois beaucoup d’invités de gauche une même semaine, et de longues séquences « tout à droite » comme du 13 septembre au 3 octobre pour la première période, et du 10 au 23 janvier pour la seconde, par exemple. Il est donc assez difficile de dire si ce dosage est prévu à l’avance ou s’il relève du hasard. En outre, je n’ai toujours pas trouvé l’identité du nouveau responsable du service politique d’Europe 1 – s’il existe. Peut-être que tout ça est désormais géré de manière plus collective et donc démocratique, ce qui ne serait pas un mal…
Quoi qu’il en soit, je tenais à en profiter pour saluer le travail effectué par le personnel de la station pendant le confinement, puisqu’il parvient à maintenir une programmation quasiment inchangée en dépit des problèmes techniques hélas fréquents liés à la distance entre les intervenants et les animateurs, ces derniers travaillant eux aussi bien souvent de chez eux, et aussi en dépit du rabotage évident de leurs revenus publicitaires en cette période.