King Kong contre Moolah

A*P*E (1976)

A*P*E (1976)Entre les deux premières vagues (à défaut de raz-de-marée) des années 1950 et 1980, il y a eu, après les exceptions September Storm (1960) et The Mask (1961), une vaguelette basée sur la technologie Space-Vision. Initiée par le film d’horreur The Bubble (1966), elle permettait enfin d’enregistrer les deux images l’une au-dessus de l’autre sur une même pellicule, la rendant très économique… C’est ainsi qu’elle a servi à une poignée de films bien bis, comme le fameux Andy Warhol’s Frankenstein (1973) et ce A*P*E (1976) encore plus nanardesque. Surfant sur le succès des Dents de la mer (1975) mais devant surtout sortir face au remake de King Kong (1933) produit par Dino de Laurentiis, le film a dû changer de titre dans certains pays mais en a profité pour exploiter aussi la popularité de M*A*S*H (1970), aussi basé en Corée. Avec $23,000 de budget, il n’y avait en effet pas de quoi monter une coproduction avec le pays des kaijūs ; le réalisateur Paul Leder, père de Mimi ayant aussi œuvré dans le film catastroph(iqu)e, a dû se contenter du pays voisin qui lui a toutefois bien rendu avec participation de l’armée, des pompiers et de nombreux figurants – le final n’est pas loin du défilé du quatorze juillet…

Dès le début du film, la couleur (ou plutôt la 3D) est annoncée avec un générique horrible dont les titres n’apparaissent que pour l’œil gauche ! Et si le procédé suscite nettement plus la fascination lors de la première séquence en bateau, il fait difficilement oublier le jeu effroyable des comédiens qui donnent plus l’impression d’être drogués que ivres de rhum comme tout bon marin… Mais rassurez-vous, ils n’ont pas été payés. Cela dit, contrairement à pas mal de nanars, A*P*E (1976) a le mérite de ne pas gagner trop de temps puisque l’Attacking Primate MonstEr fait bien vite exploser le navire (enfin sa maquette) et, avant même d’arriver sur la terre ferme pour détruire la ville (non sans jeter des bidons vers la caméra), on a droit à l’affrontement avec le requin promis par l’affiche (mais aussi par le matériel promotionnel qui le voyait littéralement surfer sur le squale) ! Hélas, dans les faits, c’est plutôt un type dans un costume moche qui joue avec un requin mort… On ne saura d’ailleurs jamais pourquoi ce dernier est géant puisque le primate est censé faire onze mètres de haut, de même avec le serpent qui arrive lui bien plus tard et avec lequel notre héros dégommera encore la caméra. Surtout qu’à d’autres moments, le gorille paraît bien plus grand, quand il enjambe une vache miniature ou fait rebondir la figurine d’un type en deltaplane. Mais pour être honnête, le film a bien d’autres problèmes de cohérence que ces erreurs d’échelle.

Le singe nous fait un joli bras d'honneur
Prends ça, Dino de Laurentiis !

Le plus évident est sans doute que la plupart des humains ne voient jamais arriver ce singe géant. Cela peut éventuellement se comprendre pour les combattants d’arts martiaux trop occupés à nous offrir une petite choré avant de nous assaillir de flèches tirées par des fils, mais moins pour les écoliers du jardin d’enfant… Cela dit, A*P*E (1976) ne se prend jamais au sérieux comme en témoigne l’un des plans les plus célèbres du film ci-dessus (le geste s’adressant à un hélicoptère annihilé). Il est aussi connu pour être le premier rôle au cinéma de Joanna Kerns, actrice dont on se souvient pour Quoi de neuf docteur ? (1985-1992). Néanmoins, bien qu’il soit sorti deux mois avant King Kong (1976) aux États-Unis, il n’a évidemment pas rencontré le même succès. Il a au moins le mérite de la 3D avec quelques plans réussis (la fuite d’humains vue à travers des arbres) mais, comme le souligne l’historienne Hillary Hess dans le commentaire audio (unique bonus surtout animé par un journaliste de Fangoria bien moins intéressant), le procédé Space-Vision, s’il simplifiait le tournage, compliquait sa projection et limitait donc le nombre d’écrans. Et surtout, il ne permettait pas de modifier l’entraxe entre les deux yeux, et donc de le réduire pour donner l’impression d’immensité. Le spectateur a ainsi la sensation d’être de la même taille que le gorille, renforçant encore le côté « acteur dans un costume » et rendant les miniatures d’autant moins crédibles.

Il faut dire aussi que la 3D rend certains trucages à l’ancienne impossibles, en particulier ceux jouant sur les échelles comme les films de type Chérie, j’ai rétréci les gosses (1989), et qu’une scène mythique de Father Ted a parfaitement théorisé. Ainsi, quand de véritables hélicoptères tournent autour du singe, il est flagrant en 3D qu’ils sont en réalité très loin derrière lui et non pas petits à voleter autour de sa tête… Cela présente au moins l’avantage d’en faire un nanar vraiment intéressant sur le plan technique, agréable à (re)découvrir dans une restauration soignée mais qui sait préserver quelques petits artefacts comme les emblématiques « poils » de la pellicule, charmants en 3D.  Pas sûr en revanche que l’on retiendra l’aspect réflexif souligné par Hillary Hess, qui va jusqu’à mentionner La Nuit américaine (1973) puisqu’il s’agit aussi d’un film sur un tournage (Paul Leder jouant en plus lui-même son réalisateur), tout en avouant que la comparaison est un peu ridicule. Surtout que cet aspect était déjà présent dans King Kong (1933) dont A*P*E (1976) reprend les deux protagonistes, un primate géant et une actrice. Notons aussi que même si le film ne fait sans surprise que 87 minutes, il était initialement trop court et aurait été rallongé par des scènes assez anecdotiques (quoique parfois involontairement amusantes)… Je vous laisse donc méditer avec la réplique finale : « Il était trop grand pour un petit monde comme le nôtre. » La 3D aussi, peut-être.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.