Converti à la 3D… mais pas à la conversion !

Mad Max: Fury Road (2015)

Résignée, Furiosa songe à ce qu’aurait pu donner Mad Max en vraie 3D…

J’ai déjà beaucoup eu l’occasion de défendre la 3D sur mon blog, que ce soit au cinéma ou dans les jeux vidéo, et je pensais ne plus avoir à en reparler comme le procédé semblait s’être démocratisé, du moins dans les salles obscures… Mais l’actualité récente, en particulier suite au succès de Mad Max, m’oblige de nouveau à aborder le sujet car la majeure partie du public n’a sans doute même pas conscience de l’étonnante escroquerie que Hollywood est en train de nous concocter. Moi-même, je pensais naïvement pouvoir boycotter les films convertis, du moins contre le désir de leurs auteurs (My Soul to Take, Le Dernier Maître de l’Air), mais il faut dire qu’à l’époque, c’était tellement raté que ça se voyait au premier coup d’œil. Hélas, Marvel et Warner en particulier ont raffiné le procédé – il faut dire que les blockbusters contiennent de plus en plus d’images de synthèse – et il est donc en train de se généraliser. Le site Real or Fake 3D recense les films tournés en 3D et ceux qui sont convertis, et on y voit clairement comment le rapport de force a basculé en 2015 ! Et c’est d’autant plus déprimant que la plupart des films en vraie 3D sont des films d’animation…

Or ils ne sont pas tournés en 3D, c’est juste qu’il est bien plus facile de faire deux rendus de deux points de vue différents en image de synthèse. Pourquoi en est-on arrivé à cette situation ? Au départ, c’est sans doute une question de logistique. Marvel a expérimenté le procédé sur des scènes d’Iron Man, et a pu notamment le mettre en pratique sur Captain America. Le réalisateur Joe Johnston affirme que le choix a été motivé à l’époque par la lourdeur des caméras 3D qui aurait compliqué les scènes d’action, mais au moins, il a conçu son film en prévision de la conversion et le résultat est globalement réussi ; on ne peut pas en dire autant de sa suite dont les combats filmés à l’épaule passent très mal. Mais avec la disparition simultanée de la pellicule et les progrès fulgurants de la synthèse, la conversion a sans doute été perçue par les majors comme un bon compromis. Surtout que la 3D, comme on pouvait déjà le constater dans Avatar, facilite l’intégration des effets numériques, puisqu’elle masque le « raccord » visuel entre deux éléments disparates (des acteurs dans un cockpit au premier plan, une forêt en synthèse à l’arrière-plan par exemple) par un écartement réel.

Avatar (2009)

Avatar (2009) : les incrustations passent tout de suite moins bien en 2D

Du coup, après une période, aux alentours de 2011, où la 3D semblait menacée comme je l’expliquais dans cet article, elle s’est généralisée au cinéma, du moins dans certains types de films : les blockbusters de super-héros, les films d’animation et les films d’horreur. Et paradoxalement, ce sont ces derniers qui sont le plus souvent tournés en vraie 3D, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se payer une conversion ; ce n’est donc pas vraiment une question de budget. D’une certaine manière, James Cameron a à la fois démocratisé la vraie et la fausse 3D, puisqu’il a réalisé une conversion particulièrement soignée de son Titanic. À part un ou deux plans bizarres, c’est assez irréprochable, et la 3D apporte énormément au film, non seulement pour les plans sous-marins (avec la poussière en suspension) mais aussi parce que les modèles 3D de l’image de synthèse ont mal vieilli et que ça se remarque moins, encore une fois, en relief. D’ailleurs, dans son récent Deepsea Challenge, tourné en 3D, il y a des séquences converties de making of et de ses films passés, y compris Abyss ! Voilà qui explique (peut-être) pourquoi ce film populaire en vidéo n’est pas encore en Blu-ray…

Mon premier choc a été, lorsque je l’ai revu en Blu-ray, de découvrir via les bonus que Pacific Rim avait été converti en 3D ! C’était d’autant plus perturbant que c’est l’un des films en ma possession qui a le meilleur rendu en 3D, mais il faut savoir qu’il a fait l’objet d’un soin tout particulier. Guillermo Del Toro n’étant pas très chaud pour une conversion, il a consulté James Cameron et obtenu un certain nombre de garanties de la Warner, et en particulier de passer le double du temps habituel à réaliser l’opération. Après, le film comporte bien évidemment beaucoup de synthèse, et le style visuel de Del Toro, assez lumineux, coloré et au grand angle s’y prête bien. À l’inverse, il existe à ma connaissance un cas où on a forcé le réalisateur à tourner en 3D : le remake d’Hara-Kiri. J’avais quand même été frustré de le voir en 2D au cinéma, parce que ce récit très théâtral, centré sur la cour intérieure d’un dojo, se prête bien au procédé. Mais je soupçonne que Takashi Miike était contre parce qu’il avait dans l’idée d’opter pour une mise en scène très traditionnelle – en hommage à l’original sans doute – qui favorise les longues focales pour avoir des plans en à-plats façon estampes.

Pacific Rim (2013)

Je suis ressorti de Pacific Rim (2013) en colère, mais pas à cause de la 3D ; j’étais à mille lieues de penser que c’était de la conversion !

Le relief est donc très discret, mais lorsque la neige tombe pour le combat final, l’effet n’en est que décuplé ! Évidemment, aussi intéressant soit-il sur le plan théorique que la 3D n’apparaisse que pour le final, cela reste assez frustrant… Le problème, c’est que les réalisateurs n’expriment pas toujours leurs souhaits – la production les en empêche peut-être parfois – et qu’il devient difficile de savoir si un film a été tourné ou non en 3D avant le générique de fin. Le site Real or Fake 3D est donc bien pratique pour cela, même s’il est incomplet – le dernier Jean-Claude Brisseau n’est hélas pas recensé – et qu’il change même d’avis parfois ! On a ainsi vu San Andreas passer de la colonne « vraie 3D » à la colonne « fausse 3D » au moment de sa sortie… De plus, on aimerait quand même que le site signale à part les films d’animation, bien que la frontière devienne mince de nos jours. Ainsi, un film comme Gravity emploie la conversion, mais vu la complexité du système mis en place pour filmer et dans la mesure où il n’y a pour ainsi dire que les visages qui ne soient pas en image de synthèse, ça peut se comprendre. Malgré tout, je me souviens avoir trouvé étrange la séquence où Sandra Bullock se promène sans sa combinaison dans la station, par exemple…

À l’époque, je n’avais pas encore l’habitude et je pensais juste que son corps avait été retouché sous Photoshop pour élancer sa silhouette par exemple, alors que c’est juste la conversion qui donnait quelque chose d’artificiel… Or dans cet article, je rappelais que le tout premier procédé de cinéma en 3D s’appelait « Natural Vision » et cela m’agace quand les gens reprochent à la 3D d’être inconfortable ou bizarre. Puisque l’on voit en 3D dans la réalité, il n’y a normalement rien de plus naturel que de voir une image en 3D ! En fait, la gêne peut s’expliquer par le fait que le réalisateur impose le plan de convergence, celui qui sépare ce qui apparaît en jaillissement devant l’écran et ce qui apparaît en profondeur, derrière. Dans la réalité, ce plan est défini par l’endroit où nous regardons, qui se confond avec la distance de mise au point. Du coup, cela peut être perturbant quand, au cinéma, ces deux plans sont distincts, mais le problème se pose déjà en 2D, quand le cinéaste nous impose une mise au point sur un détail quand le spectateur peut être frustré que ce qu’il souhaite regarder soit flou. Orson Welles, lui, ne faisait que des plans très larges, avec une grande profondeur de champ pour laisser le spectateur, comme au théâtre, choisir ce qu’il veut regarder.

Avengers: Age of Ultron (2015)

Évidemment, quand les personnages et les décors sont majoritairement en images de synthèse, il n’y a pas grand chose à convertir…

Mais je pense que, quel que soit le spectateur, lorsque c’est de la conversion, cela se ressent. Cela dit, j’ose espérer que mon œil est plus exercé qu’autrefois, sinon cela signifie que le niveau a réellement baissé… En effet, j’ai été assez consterné par Avengers 2 qui, à l’instar de nombreux films Marvel récents, se repose tellement sur la conversion qu’il ne donne pas l’impression d’avoir été tourné pour faciliter les choses. La séquence de la beuverie, assez drôle au demeurant, est particulièrement catastrophique avec un festival de verres flous en amorce totalement plats, et ceux qui sont plus loin, sur la table, ne sont pas mieux servis si j’ose dire. De manière générale, le procédé semble rencontrer beaucoup de difficulté avec tout ce qui est transparent, surtout lorsqu’il s’agit d’objets aux formes compliquées comme des bouteilles par exemple. Dans une scène de comédie, ce n’est évidemment pas très gênant, et j’ai été finalement plus choqué lorsqu’un soldat, après l’affrontement entre Hulk et Iron Man, pointe sur le géant vert un fusil dont le canon est bouché – comme si le trou était peint sur le canon, sans doute parce que quelqu’un a oublié de l’évider… Alors oui, c’est un détail et je suis sans doute le seul à l’avoir vu, mais ce n’est pas une excuse !

Et encore une fois, je suis intimement persuadé que ceux qui ne l’ont pas vu l’ont peut-être inconsciemment ressenti, de même qu’ils doivent bien sentir que, plus généralement, les paysages ont quelque chose de pas naturel lorsqu’ils sont convertis en 3D. Car, au-delà des feuillages qui posent beaucoup de problèmes à la conversion, c’est la sensation d’espace qui est faussée, voire absente ! Et hélas, pendant ce temps, plein de réalisateurs tournent des films bien moins synthétiques en 2D, et beaucoup d’entre eux gagneraient selon moi à être tournés en 3D, qu’ils nous montrent de grands espaces ou des pièces étriquées mais filmées avec un vrai sens de l’espace. Au moins, Wim Wenders a le mérite d’avoir osé ce que James Cameron affirmait pouvoir faire sans s’exécuter : un film intimiste en 3D. Et il est vraiment dommage qu’Every Thing Will Be Fine soit au fond un mélo assez oubliable, parce que le cinéaste y réinvente certains effets comme le trans-trav ou les surimpressions, qui prennent une toute nouvelle dimension (sans blague !) en 3D. Mais c’est bien là le problème ; le seul véritable argument qui puisse convaincre le public de l’intérêt de la 3D, serait qu’il y ait tout simplement plus de bons films. Parce que du point de vue de la pédagogie, c’est mort…

Everything Will Be Fine (2015)

Wim Wenders joue beaucoup sur les reflets et les transparences dans Everything Will Be Fine (2015)

J’ai hélas bien conscience de me battre contre des moulins à vent, et je le constate tous les jours en entendant un flot d’âneries sur la 3D : la résolution est divisée par deux au cinéma, la 3D n’apparaît en fait que par couches plates, la 3D au cinéma est fausse car c’est une illusion créée à partir de deux images (comme dans la réalité, quoi), etc. C’est hallucinant le nombre d’idées reçues que l’on peut lire ou entendre six ans après Avatar ! C’est sans doute aussi la faute des journalistes qui ne font par leur boulot ; un jeu 3DS devrait être joué en 3D, quitte à la désactiver cinq minutes pour voir la différence, mais c’est exactement le contraire dans la pratique. Qui prendrait au sérieux une critique de Suspiria portant sur une copie en noir et blanc, ou d’un film de David Lynch visionné sans le son sous prétexte qu’il y a des sous-titres pour pouvoir quand même suivre l’intrigue ? Et les exploitants ont eux aussi, enfin, leur part de responsabilité. Vous voyez la petite séquence avant le film, où une paire de lunettes flotte devant un texte nous disant de l’enfiler pour profiter de la projection en 3D ? J’ai quand même vu pas mal de films en 3D au UGC des Halles – je pense que vous l’aurez compris – et presque à chaque fois les images des deux yeux sont inversées…

Alors oui, ça fait mal aux yeux parce que les lunettes passent devant le texte tout en étant derrière sur le plan du relief… Ironiquement, je n’ai vu cette séquence projetée convenablement qu’avant La Planète des Singes et Adieu au Langage mais aussi, récemment, avant Ant-Man, ce qui me laisse espérer que le problème a été enfin résolu. À propos du film de Jean-Luc Godard (pas Ant-Man, hein ?), il était logiquement sorti en Blu-ray 3D uniquement au départ, mais a ensuite baissé de prix avec un combo 3D+2D et même une version DVD. Franchement, j’aimerais bien savoir qui aurait l’idée de voir ce film en 2D alors que certaines expérimentations nécessitent vraiment les deux yeux. À plusieurs reprises, Godard s’amuse à ne faire panoter qu’une seule des deux caméras, si bien que chaque œil voit une image différente, comme une sorte de split-screen en surimpression. Laquelle des deux est affichée dans la version 2D ?? Mais bon, qui ça intéresse à part moi ? Je peux expliquer pourquoi peu apprécient Godard ; comme Hitchcock, c’est un grand créateur de formes visuelles, autrefois audacieuses, aujourd’hui acceptées par tous. Mais quand Hitchcock les met en application sur des films mainstream, ceux de JLG ressemblent à des résultats d’expérience bruts.

Adieu au Langage (2014)

Un des plans absolument sublimes en 3D d’Adieu au Langage (2014)

Et comme tout chercheur, il ne trouve pas toujours, mais quand il trouve, c’est génial. Son Adieu au Langage est-il un adieu à la 3D ? On ne peut pas dire que la mode soit déjà passée car, contrairement aux deux premières, dans les années 1950 et 1980, elle a déjà duré bien plus longtemps. Mais aussi parce que le procédé est très populaire en Chine, et que ce public commence à sérieusement peser sur le cinéma hollywoodien, comme on l’a vu récemment chez Marvel ou avec Transformers. Mais surtout, je pense que c’est une évolution logique du cinéma, au même titre que le son et la couleur. Si ces procédés se sont installés durablement, c’est parce qu’il y a du son et de la couleur dans la réalité… Et devinez ce qu’il y a d’autre dans la réalité ? Même si ce n’est pas forcément la finalité de l’art, les principales avancées de la peinture ont presque toujours été causées par une recherche de réalisme ; (re)lisez Ernst Gombrich si vous ne me croyez pas. Et il en est de même pour le cinéma. D’ailleurs, la transition du muet au parlant, et du noir et blanc à la couleur n’a pas toujours été simple et sans heurts. Dans le cas du son, ça a été au moins relativement rapide…

Mais cela a posé énormément de problèmes de logistique, puisque les micros ne pouvaient pas apparaître à l’écran. Les mises en scène sont devenues d’un coup bien plus statiques qu’à l’époque du muet et, paradoxalement, le langage cinématographique s’est appauvri. Et, comme c’est le moment où le code Hays est entré en vigueur, dès 1934 (et jusqu’en 1966), le cinéma hollywoodien est devenu bien plus subtil, suggestif. Mais la plupart des grandes innovations, du film noir au style documentaire, venaient plutôt d’Europe. Dans le cas de la couleur, les caméras Technicolor étaient aussi énormes puisqu’elles faisaient passer trois pellicules différentes ! Et d’ailleurs, jusqu’aux années 1960 – la pellicule Eastman Kodak 35 mm n’arrive qu’en 1950 – couleur et noir & blanc ont largement cohabité au cinéma. Or selon le procédé employé, la 3D n’alourdit que modérément un tournage ; Ridley Scott estime qu’elle nécessite 15 à 20% de temps supplémentaire, mais le réalisateur de Prometheus et Exodus a pour habitude de tourner avec trois ou quatre caméras en simultané, qu’il faut bien évidemment régler de manière identique ! Il se paie d’ailleurs le luxe d’avoir quatre téléviseurs 3D dans sa cabine, quand Joe Dante n’avait aucun retour pour The Hole !

Prometheus (2012)

Ironiquement, les geeks qui condamnent d’emblée les films qui font le choix de la synthèse ont condamné Prometheus (2012), dans lequel il y en a très peu. Ci-dessus : un maquillage devant un décor construit !

En fait, le problème de la 3D ne réside pas tant dans la production que dans la diffusion, puisque la projection nécessite des lunettes, que l’on opte pour le procédé passif ou actif. Mais le fait de convertir un film plutôt que le tourner en 3D n’y change rien, et ça ne constitue donc pas la motivation des studios. Mon frère a une théorie, et elle est sans doute juste. Les majors hollywoodiennes sont obsédées par le contrôle et, à une époque où elles ne jurent plus que par les remakes, reboots, licences et autres multiverses, l’heure n’est plus à la prise de risque. Or, lorsque l’on tourne en 3D, on doit décider sur le tournage tous les réglages nécessaires, et cela ne colle pas avec la volonté des studios de faire le maximum en post-production, pour avoir le plus de marge de manœuvre possible. Autrefois, les reshoots faisaient scandale (la fin américaine du Grand Bleu) alors que c’est aujourd’hui monnaie courante pour les blockbusters. Là où ça devient ridicule, c’est que les films sont désormais conçus pour être convertis en 3D, au point d’alourdir la logistique ! On est en effet obligé d’ajouter une ou plusieurs caméras sur le tournage uniquement pour filmer les fonds, dans les séquences en décor réel, afin de savoir ce qu’il y a derrière les acteurs et les objets…

Comme je le disais tout à l’heure, la 3D a surtout besoin de bons films pour convaincre, même si ce n’est hélas pas suffisant. Déjà parce que ces bons films seront de toute manière toujours projetés en 2D en parallèle, mais aussi parce que, même si le public apprécie un film en 3D, il n’est pas certain qu’il sache s’il a été tourné en 3D ou seulement converti. Sur le site, on constate hélas que les films en « vraie 3D », lorsque ce ne sont pas des films d’animation, relèvent souvent du film d’horreur de série B ou du blockbuster bas du front, façon Paul W.S. Anderson ou Michael Bay. Mais la grande majorité des blockbusters sont convertis, en particulier les films de super-héros chez Disney et Warner. Jusqu’ici, la Fox était le bon élève, peut-être par un concours de circonstance, avec les films de Ridley Scott, La Planète des Singes : L’Affrontement ou le dernier X-Men, peut-être l’un des derniers films de super-héros tournés en 3D… En effet, l’autre franchise Marvel détenue par la Fox, Les 4 Fantastiques, devait y passer jusqu’à ce que son réalisateur Josh Trank réclame l’annulation de la conversion, craignant un résultat bâclé à cause des reshoots. Et il n’est pas certain que cette affaire, hélas peu médiatisée, éveille les esprits endormis par Mad Max

Mad Max: Fury Road (2015)

Mad Max: Fury Road (2015) : ce ballet d’abordages à la perche gagne à être vu (et tourné) en 3D, non ?

Pour moi, Fury Road est à la fois le meilleur et le pire film de 2015, et l’un des plus gros crève-cœurs de toute ma vie de cinéphile… C’est clairement de ma faute ; je l’attendais comme le Messie. Son style visuel lumineux et coloré, qui a d’ailleurs déplu à ceux qui auraient préféré une ambiance plus cradingue, me laissait vraiment penser qu’il avait été tourné en 3D. La bande-annonce finale, qui multiplie les plans pensés pour la 3D, m’a conforté dans cette idée, d’autant que je l’ai vu en salles (et en 3D) juste après celle de Jurassic World, et l’écart de rendu était énorme ! Mais quand j’ai enfin vu le film, je me suis rendu compte dès la première scène que c’était de la conversion ; cela m’a gâché presque tout le film et m’a déprimé pour plusieurs jours. La conversion est globalement bonne, mais on ne peut pas faire de miracle avec des nuages de poussière et la longue chevelure d’Immortan Joe… On retrouve des acteurs « collés » à leur pare-brise sur des plans éloignés, ou les yeux du tortionnaire, au début du film, qui se fondent avec ses verres de lunettes. Il y a aussi le réveil de Max, quand sa tête émerge d’une motte de sable mal détourée, avec un liseré qui n’est pas à la bonne profondeur ; tourner ce plan en 3D n’aurait pourtant posé aucun problème…

En plus, d’après le générique, certains plans ont été tournés en 3D, et il est vrai que certains m’ont mis le doute et ce sont en général les plus impressionnants, comme ceux où la caméra fait une sorte de travelling latéral devant Immortan Joe au volant de son véhicule. Mais compte tenu du style visuel du film, avec un obturateur sans doute très fermé, il est possible que ces plans aient juste été plus facilement convertis car très nets. Les grands perdants sont les paysages, ces étendues désertiques dépourvues de la moindre sensation d’espace, contrairement à ceux de la séquence d’ouverture de Prometheus – qui n’est pas un meilleur film pour autant, hein ? Bien sûr, on peut se dire que ce n’est pas grave, que c’est quand même un film réussi. Mais c’est justement parce qu’il est réussi que c’est grave. Le film a été clairement conçu pour la 3D, jusque dans ce plan final d’explosion très caricatural (et qui doit être risible en 2D), et George Miller dit même que la version 3D est sa préférée. Du coup, même les détracteurs habituels de la 3D ont fait un effort pour le voir ainsi et louangent exceptionnellement le procédé… Est-ce que cela va inciter la Warner à sortir plus de films en 3D ? Oui, mais cela va sans doute les conforter dans l’utilisation de la conversion…

Il aura fallu plus d'un siècle pour se souvenir que la 3D est utile...

Il aura fallu plus d’un siècle pour se souvenir que la 3D est utile…

À l’heure où j’écris ces lignes, seul un film de 2016 est censé avoir été tourné en 3D (le prochain Ang Lee), contre quatre films en fausse 3D. Comme je le disais, les bons élèves d’antan commencent à retourner leurs vestes. The Amazing Spider-Man chez Sony, le principal fabricant des caméras spécialisées, a été tourné en 3D, mais sa suite a été convertie… À force de critiquer la 3D, ses détracteurs ont contribué à donner naissance à un procédé qui leur donne raison. Car la conversion n’est, encore une fois, que le symptôme d’un manque de sérieux. YouTube permet la mise en ligne de vidéos en 3D depuis des années, mais aucun studio n’y publie de bande-annonce en 3D ; les seules que l’on trouve proviennent d’amateurs. C’est facile de dire que les téléviseurs, smartphones et tablettes 3D ne marchent pas quand on ne fournit aucun contenu ! Pendant ce temps, la 3D intègre de nouveaux domaines comme la médecine… Nouveaux ? Comme on le voit dans The Knick, la série de Steven Soderbergh, les chirurgiens s’aidaient de photos en relief au tout début du 20ème siècle ! Mais à cette époque, on n’avait pas peur du progrès, même quand on aurait dû (la radiographie)… Alors de quelque chose d’aussi naturel et inoffensif que la 3D, aucun risque !

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