Comin’ At Ya!
réalisé par Ferdinando Baldi
1981
On découvre des films d’une manière bien étrange parfois. Je venais de regarder Une drôle de fin sur Netflix, un biopic sur le créateur du magazine National Lampoon, qui a également produit quelques films. Or je voulais vérifier que l’un d’eux était bien la comédie la plus importante de l’Histoire du cinéma, à savoir Loaded Weapon 1 (1993) alias Alarme fatale. Et en allant sur la page Wikipédia de son réalisateur, Gene Quintano, j’ai découvert que celle-ci mettait très en avant le fait que Quintano ait également joué dans deux films en 3D réalisés par Ferdinando Baldi, surtout connu pour Django (l’original s’entend). Or il est vrai que ce n’est pas si anodin dans sa carrière d’autant qu’il en est aussi le producteur. J’ai ainsi constaté que le premier des deux, Comin’ At Ya!, était sorti en Blu-ray il y a peu et ne coûtait pas très cher, même en import. Il est certes en anglais sans sous-titres, mais ce western n’est pas vraiment riche en dialogues de toute façon… En fait, il est surtout considéré comme le film qui a démarré la deuxième vague de la 3D dans la première moitié des années 1980 ! Je tiens toutefois à préciser d’emblée que si on a coutume de diviser l’Histoire de la 3D au cinéma en trois vagues distinctes espacées de 3D-cénies, c’est plus complexe dans la pratique avec quelques films sortis entretemps.
En tout cas, Comin’ At Ya! est indéniablement représentatif de la vague des années 1980 dans laquelle on trouve aussi Les Dents de la mer 3 ; ces films revendiquent totalement leur côté forain et multiplient les effets de jaillissement très prononcés. Ici, on se croirait presque devant une démo pensée pour un parc d’attractions, tant on s’en prend plein la gueule : canons de fusil, couteaux, lances, flèches enflammées, chauve-souris, rats, scorpion, pièces d’or, maïs, épluchures de pomme… Il ne manque que l’évier. Hélas, comme dans le film de Joe Alves, ces objets sont souvent placés trop près des objectifs des caméras, nous obligeant franchement à loucher, et parfois trop rapidement pour que les yeux aient le temps d’accommoder. L’effet tombe donc à plat, et puis si la première flèche enflammée en pleine poire fait cligner des yeux, cela perd de sa fraîcheur au bout de la cinquième d’affilée… Pourtant, le film ne manque pas d’idées à commencer par son générique diégétique, mais il est clair que le spectateur d’aujourd’hui retiendra plutôt du film ses moments de retenue. Après tout, à la manière des images de synthèse de Jurassic Park, les effets de jaillissement sont nombreux mais mis bout à bout, comme dans la vidéo « promo » des bonus, on dépasse à peine les cinq minutes !

« Attache-moi ! » huit ans avant Almodovar…
Or le reste du film est assez superbe d’autant que les Italiens, même dans la série B, ont toujours un beau sens de la composition, bien mis en valeur ici par des décors très riches ; le dialogue au confessionnal, qui serait assez anodin en 2D, en est un bel exemple. Il faut dire aussi qu’à l’époque, on ne savait pas encore rapprocher les objectifs des caméras pour obtenir un entraxe proche de l’écart entre deux yeux, ce qui donne un peu l’impression de regarder des poupées évoluant dans des maquettes. Vu la popularité actuelle du tilt-shift dans l’audiovisuel, c’est étonnant que cet effet maquette ne soit pas davantage exploité en 3D de nos jours… Bien entendu, le film est sinon un western au scénario très classique, même s’il a sans doute inspiré Tarantino puisque ça commence par un mariage en noir et blanc qui vire au bain de sang ; on parle d’un film réalisé par l’auteur du Django original, hein ? Cela dit, l’acteur principal, Tony Anthony, apparemment une star du western spaghetti de la fin des années 1960 au début des années 1970, a dû perdre de sa superbe entretemps, mais Gene Quintano est pas mal en méchant et on a le plaisir de découvrir une Victoria Abril jeune et toute choupi. J’imagine d’ailleurs que certains apprécieront sans doute de la voir en volume, mais sa chute au ralenti, à la fin du film, est probablement l’un des plus beaux plans en 3D que j’ai vus.
On se dit d’autant plus que Ferdinando Baldi n’avait vraiment pas besoin de tous ces jaillissements et qu’il aurait pu signer un superbe western en 3D. En même temps, encore aujourd’hui, il semble que la majorité des gens ne remarquent rien sans effets tape-à-l’œil… Cela donne aussi franchement envie qu’un éditeur ose enfin exhumer les autres films en 3D de cette période, comme Treasure of the Four Crowns, l’autre film de Baldi, mais aussi le space opera Spacehunter: Adventures in the Forbidden Zone, tous deux de 1983. Metalstorm: The Destruction of Jared-Syn, hallucinant paraît-il, est lui bien sorti en Blu-ray 3D fin 2016, mais il faut là encore passer par la case import et il a l’air de coûter bien plus cher que Comin’ At Ya!… Enfin, on espère voir un jour exhumé Arena (1953), le tout premier western en 3D, réalisé par le versatile Richard Fleischer. Le cinéaste, très apprécié de Kiyoshi Kurosawa et remis sur le devant de la scène par Carlotta qui a édité pas mal de ses films ces dernières années, est en effet le seul à avoir réalisé un film en 3D durant les deux « vagues » puisqu’on lui doit aussi Amityville 3-D trente ans plus tard. Mais à une époque où les téléviseurs 3D deviennent quasiment introuvables – on ne peut même plus les rechercher suivant ce critère sur FNAC.com ! –, on peut comprendre que les éditeurs soient frileux… Monde de borgnes.