En 1990, je suis rentré en sixième et j’ai rapidement sympathisé avec un dénommé Nicolas, car il avait lui aussi une Master System. Mais pour Noël (ou son anniversaire en fin d’année ?), il devait avoir la Mega Drive, et je me souviens qu’il avait même le droit de toucher la manette en avance – la console est sortie en novembre. Nous l’aurons également mais plus tard, en 1991 il me semble, avec Quackshot et Mercs, via l’ami de mon frère qui avait l’Atari ST – tout se recoupe ! Le problème est que sur la 16-bit de SEGA, surtout au début bien entendu, on ne trouvait pas aussi facilement de jeux à 99 F et l’achat d’une cartouche demandait plus de réflexion, surtout qu’il fallait se mettre d’accord avec mon frère. Cela dit, j’avais eu l’idée de profiter d’un anniversaire pour demander à mes amis de se cotiser pour m’acheter un jeu, plutôt que chacun ramène un gadget comme le veut la tradition. À cette époque, j’organisais plutôt mon anniversaire en janvier pour ma fête car en août, tous les copains étaient en vacances… Et donc une fois, sans doute en janvier 1992 (mais peut-être en 1993), j’avais demandé à Nicolas d’organiser une cagnotte pour m’offrir Last Battle (1989). Oui, enfant j’avais des goûts de chiotte et je ne choisissais pas les jeux en fonction de leurs qualités – je savais qu’il avait eu des mauvaises notes – mais tout simplement au feeling, et il n’était pas cher, dans les 200 F je crois. En passant, je croyais juste qu’il était pompé sur Ken le Survivant et j’ignorais que l’original japonais était sous licence officielle du manga…
Mais lors de mon anniversaire, ce n’est pas Last Battle (1989) que j’ai reçu mais… El Viento (1991). Un jeu que je connaissais bien et que j’appréciais puisque j’y jouais chez Nicolas, mais je trouvais étrange que, n’ayant pas trouvé le bon jeu, il n’ait pas essayé tant qu’à faire de m’en offrir un autre qu’on ne connaissait pas ni l’un ni l’autre, même si c’est risqué. Et surtout, quelque temps plus tard, il m’a montré Last Battle chez lui, soi disant prêté par « un ami de Blois » – ville que je ne prends d’ailleurs plus très au sérieux depuis cette affaire… Attiré par la nouveauté, il avait donc préféré garder pour lui le jeu acheté avec l’argent récolté (pas glop pour les autres) et s’est retrouvé avec un beat ’em up médiocre qui devient bien ennuyeux une fois le charme de la fameuse animation des coups de poing fané. El Viento, lui, est un titre assez culte inédit en Europe, créé par la Wolf Team aujourd’hui connue pour la série Tales of.
Se déroulant dans le New York des années 1920, c’est du HP Lovecraft à la sauce manga, où l’on contrôle une magical girl qui doit empêcher (mais n’y parviendra pas) un rituel durant lequel une jolie sorcière sera sacrifiée de son plein gré pour ressusciter une entité cosmique, avec la complicité de la mafia. La cinématique d’intro ci-dessus pose une belle ambiance avec sa musique mélancolique – du moins au début – et c’est un jeu d’action/plateformes aussi bordélique qu’anachronique qui évoque Treasure, en moins maîtrisé, dans sa manière d’en mettre plein les yeux en dépit de la logique. La Mega Drive ne peut pas produire des zooms et de distorsions comme la Super Nintendo ? Qu’à cela ne tienne, les explosions vont zoomer jusqu’à ce que les pixels fassent la taille de l’écran, et on affrontera en guise de boss un cube de gélatine (transparent en grille de pixels) qu’il faut déformer et creuser afin d’en atteindre les points faibles à l’intérieur… Il y aura aussi une séquence à dos de dauphin ou un combat où l’écran est rempli de rondins de bois, et d’autres choses que j’ai oubliées depuis. Je ne me souviens plus si j’avais fini par confronter Nicolas et lui faire avouer son crime, et je ne sais pas ce qu’il en pense aujourd’hui, mais moi j’estime avoir clairement gagné au change !