Le dernier souvenir correspondant à un jeu vidéo remonte à environ trois ans plus tôt, mais celui que je vais aborder à présent couvre en réalité plusieurs années et une part importante du début de mon adolescence. Au cas où mes articles sur le cinéma en particulier n’auraient pas été assez clairs, j’ai toujours été très peureux, mais fasciné par ce qui m’effrayait. Le premier Mortal Kombat (1992) a eu un impact mondial – j’ai récemment traduit un article à ce sujet pour Le Mag MO5.COM – mais plus particulièrement sur moi, et il y avait plusieurs raisons à cela. Déjà, comme pour tout le monde, il y avait l’aspect gore qui, cumulé aux graphismes digitalisés, donnait un aspect snuff movie au jeu et accentuait son côté transgressif. Mais il y avait aussi le fait que le portage Mega Drive était considéré le meilleur (surtout parce que le gore n’y était pas censuré) comme l’évoque justement l’article et, étant alors un joueur SEGA, cette version revêtait ainsi un caractère « militant » dans la guerre des 16-bit. Et puis étant fan de ninjas, d’arts martiaux et me souvenant sans doute inconsciemment du personnage des Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (1986) qui a inspiré Raiden, son univers me parlait.
Qui plus est, avec l’attitude partisane qui était déjà la mienne à l’époque, l’ennemi était la Super Nintendo et Street Fighter II, et tout était bon pour affirmer la supériorité de Mortal Kombat. Déjà, il était autrement plus vif que la première adaptation du jeu de Capcom, mais il était aussi plus facile d’accès pour moi. Il n’utilisait que quatre boutons (dont un seul cumulant les deux de coups de poing), et là où réaliser un Hadōken demande un timing précis, d’appuyer sur le bouton juste après le quart de cercle, dans Mortal Kombat, du moins sur Mega Drive, il suffit de maintenir le bouton puis d’appuyer sur bas puis droite, et c’est réglé ! Et surtout il y avait cet univers plus « réaliste » comme souvent dans les jeux occidentaux. Là où Street Fighter II jouait sur les stéréotypes (sumotori japonais, catcheur russe, militaire américain, etc.), la plupart des personnages de Mortal Kombat étaient typés asiatiques ou du moins semblaient crédibles pour participer à un tournoi clandestin. Bref, je suis devenu un gros fan de la série au point d’aller pour la première fois exprès sur Paris pour voir le film avec mon frère, et je continue de bien l’aimer (le film – enfin j’aime mon frère aussi) en dépit de la présence de Christophe Lambert. J’ai même les deux bandes originales du long-métrage !

Au bal, au bal masqué ohé ohé !
Ce n’est donc pas ce film, sorti chez nous fin octobre 1995, que je considère comme une trahison. C’était en fait quelques mois plus tôt, quand le magazine Mega Force levait le voile (en exclusivité soi-disant) sur Mortal Kombat 3 sorti en avril en arcade. Je crois que ma première réaction a été positive, parce que non seulement ça avait l’air très joli mais Kano, mon personnage favori du premier épisode hélas absent du deuxième, était de retour. Sauf que premier problème : Raiden, qui était devenu mon nouveau combattant favori, était lui passé à la trappe… Mais surtout, il y en avait de nouveaux pour « compenser » et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils mettaient à mal mon argumentaire : un flic, un Indien… Pourquoi pas un ouvrier de chantier tant qu’on y est ? J’étais déjà pas fan de tout le concept de l’Outre-Monde du deuxième volet, ce que j’appelle « le syndrome Dragon Ball Z » et selon lequel, quand une licence prend de l’ampleur, elle s’engouffre fatalement dans une spirale de surenchère avec personnages qui meurent puis ressuscitent, dimensions parallèles, voyage dans le temps et Cie – les lecteurs de comics comprendront. Du coup, on avait totalement quitté l’ambiance réaliste de tournoi clandestin pour un univers de fantasy truffé de clichés…
Tout ça aurait sans doute mieux passé avec bon character design mais, comme je l’ai découvert bien plus tard avec la version Saturn du jeu, il était ici particulièrement loupé. À la limite, l’Indien avait le mérite d’être charismatique, mais entre la sorcière vulgaire qui se bat avec sa chevelure, les deux robots au look flashy et discount, et puis Kabal, ce chasseur de primes extra-terrestre qui aurait pu être intéressant mais son costume avait l’air d’avoir été bricolé à l’époque avec ce qu’avaient laissé les autres acteurs au fond d’une malle de troupe de théâtre (c’est du vécu). Heureusement, son design a été nettement amélioré dans les derniers épisodes de la série. J’en ai eu un sur GameCube mais, globalement, j’ai décroché avec ce troisième. J’ai beaucoup aimé le premier Injustice du même studio, mais je ne suis pas encore totalement fan du character design et je trouve le sound design bien moins percutant (notamment lors des Fatalités) qu’à l’époque de la 2D, même si Dan Forden est toujours aux commandes. Alors bon, je m’en suis quand même remis mais je crois bien que le soir-même de la découverte du Mega Force évoqué plus haut, j’ai pleurniché avant de m’endormir…