Les matches mixtes dans le catch, ça marche !

Callihan Vs. Blanchard à Slammiversary XVII

Un match mixte en main event d’un pay-per-view de catch

Il ne vous a sans doute pas échappé que les femmes sont de plus en plus mises en avant dans de nombreux domaines comme le divertissement (en particulier le cinéma) et le sport, non sans difficultés parfois. Et c’est aussi vrai dans le catch, « divertissement sportif » par excellence, comme je l’ai abordé dans un article précédent. J’y évoque notamment le fait que la WWE a largement capitalisé sur ce « phénomène », certes avec peut-être un peu d’opportunisme parfois mais avec une réussite indéniable. Car si elle a beaucoup profité du star power de Ronda Rousey, on ne peut pas nier que son départ a largement été compensé par Becky « The Man » Lynch qui s’est imposée depuis comme l’une des stars les plus populaires de la promotion, hommes compris – reste à voir si son arrogance ne va pas se retourner contre elle à terme… Mais tout cela est forcément un peu vexant pour les autres compagnies (mentionnées dans l’article) qui avaient misé bien avant sur les femmes, comme la TNA dès 2007, même si je ne l’avais pas cité comme l’une des dix raisons pour lesquelles je la préfère à la WWE – mais plusieurs femmes sont citées dans la raison n°1 ! Affaiblie par la politique de siphonnage des indés de la WWE, l’actuelle Impact Wrestling profite quand même d’une division féminine solide à défaut d’être peuplée, avec des lutteuses accomplies comme Taya Valkyrie, Rosemary, Havok ou encore Tessa Blanchard. Mais surtout, pour ne pas passer pour le suiveur (qu’elle n’est pas), elle s’est lancée sur le « marché » risqué du match mixte.

Risqué, mais dans l’air du temps cependant. Un historien du catch pourrait sans doute être plus précis, mais il me semble que c’est Joey Ryan qui, sans pour autant avoir inventé le concept bien sûr, a lancé la mode depuis quelques années. Avec son gimmick d’acteur porno/gigolo, dont le finisher est de projeter son adversaire à l’aide de son pénis (!), il était le candidat idéal pour ce type de match dans lequel la femme est forcément babyface. Car c’est un peu la problématique du match mixte (intergender en anglais) ; comment rendre ce genre pertinent et surtout varié sans devenir sexiste ? Car s’il est logiquement né sur la scène indé, c’est aussi parce que certaines chaînes de télévision américaines interdisent toutes violences (même simulées, donc) envers les femmes. Une politique très protectrice qui peut donc paraître plus conservatrice, pour ne pas dire paternaliste, que véritablement féministe…

Une jeune femme gagne un match de lutte par forfait de son adversaire...

Une jeune femme gagne un match de lutte par forfait…

Il y a d’ailleurs eu une polémique dans une discipline cousine, celle de la lutte dite « amateure » outre-Atlantique. Un jeune athlète du Colorado a en effet abandonné un championnat pour ne pas avoir à lutter contre une femme, mais il ne s’est pas contenté de prendre l’excuse du contact intime, avec le risque d’un « incident » hormonal – personnellement, je crois que je serais encore plus mal à l’aise à me rouler par terre avec un autre homme, mais j’imagine que les lutteurs sont habitués à ça… Seulement voilà, le communiqué était un peu plus condescendant, qualifiant l’adversaire de « young lady » par exemple. Évidemment, les cas d’affrontements mixtes dans les sports « réels » sont plutôt rares, y compris dans des disciplines où la force physique n’entre pas tellement en jeu comme le golf ou même les échecs ! La question commence à être en revanche plus épineuse avec les transgenres, certaines voix s’élevant par exemple pour dénoncer certaines lutteuses de MMA qui profite(raie)nt de leurs anciennes physiologies d’hommes pour faire des ravages dans les divisions féminines.

Mais tout cela n’a bien sûr pas d’importance dans le catch, où d’ailleurs on trouve des lutteuses transgenres comme Nyla Rose (membre de la nouvelle AEW) sans que ça soulève (heureusement) la moindre question. À Impact Wrestling, le match mixte est lui arrivé par le biais de Scarlett Bordeaux, véritable révélation de l’année dernière dès son arrivée Shut up five, a ten is talking! »). Allant à contresens des attentes avec son personnage résolument sexy, mais revendiquant justement l’empowerment par ce biais, elle a toutefois mis beaucoup de temps (huit mois) avant de lutter. Et quand c’est arrivé, son premier match a donc été contre un homme, Disco Inferno, incarnant le beauf macho total. Or il est déjà quand même rassurant, mine de rien, que le public a toujours été derrière elle, quand bien même ses adversaires comme Inferno puis Rohit Raju et Cie ne se gênaient pas pour proférer des réflexions sexistes comme il en pullule sur les réseaux sociaux – et les forums de catch.

Scarlett Bordeaux

Ce que l’on ne voit pas sur la photo, c’est qu’elle a un léger nystagmus

Et surtout, tous ces matches étaient très convaincants. Dans le sens où même si l’adversaire était bien souvent un jobber là pour se faire humilier, et même si Scarlett gagnait sans surprise systématiquement, leur déroulement restait toutefois réaliste. L’homme ne donnait pas l’impression de se laisser faire, et cela mettait en valeur Scarlett… Cette dernière a hélas récemment quitté la compagnie pour des raisons un peu idiotes qu’on ne détaillera pas ici, mais cela n’a pas d’importance, car Tessa Blanchard a pris la relève et a envoyé le match mixte dans une toute autre dimension ! Tout a commencé alors qu’elle devait affronter le charismatique Eli Drake qui a hélas refusé le match, peu à l’aise avec le concept, ce qui a en partie causé son renvoi peu après… Il a du coup été remplacé par nulle autre que Joey Ryan. Et satisfaite du buzz engendré, Impact Wrestling a booké Tessa (qui venait de perdre son titre de championne, mais pas son statut, en battant ensuite la légende Gail Kim sortie de sa retraite pour l’occasion) dans une rivalité avec le clan heel OVE et son leader, l’odieux Sami Callihan.

Leur premier match a eu lieu à Slammiversary début juillet et s’est avéré historique. Déjà parce que, contre toute attente, c’était le main event du show (une première pour une femme à Impact malgré tout), mais aussi parce que Tessa a perdu. Le journaliste Dave Meltzer s’est empressé d’expliquer, et il ne doit pas avoir tort, que les officiels devaient craindre un « effet Roman Reigns » en évitant de la rendre trop forte et donc insupportable – problème de booking récurrent à la WWE comme je l’évoquais dans un autre article. Mais c’est pour moi aussi une étape importante pour le match mixte. Car l’argument principal des détracteurs est que ce type de match est trop prévisible, parce qu’il ne serait pas « réaliste » de faire gagner la femme, et qu’il serait sexiste de la faire perdre. Or il n’y avait rien de sexiste à la défaite de Tessa ressortie au contraire grandie du match – c’est ce qui arrive quand on suit les règles de la dramaturgie ! Il faut dire aussi que Callihan, plutôt spécialiste des matches hardcore, ne l’a pas ménagée non plus même s’il ne lui a pas craché au visage – et heureusement

Tessa Blanchard

Mais tout est une question d’équilibre et un mauvais pas peut être fatal. Quand un rematch a été annoncé pour Unbreakable début août, j’étais assez inquiet car il intervenait comme « finale » d’un tournoi où Tessa Blanchard et Sami Callihan faisaient équipe, et le gagnant devait devenir le challenger numéro un du champion Brian Cage. Et en dehors du fait que Cage est encore plus impressionnant que le vicieux mais petit Callihan, il est babyface et il serait donc très délicat de le faire s’opposer à Tessa sans enterrer l’un des deux… Cependant, cela n’a pas eu lieu car Tessa a encore perdu, ce qui est toujours un peu surprenant pour un rematch même s’il était heureusement assez différent. Il y a eu pas mal de triche du côté de Callihan, ce qui n’a rendu Tessa que plus héroïque encore… Et pendant qu’ils se mettaient sur la figure, j’ai eu comme une épiphanie ; en quoi un match mixte serait-il beaucoup moins réaliste que, par exemple, un match entre Rey Mysterio (79 kg) et Big Show (174 kg) ?

Dans les « vrais » sports de combat, il y a justement des catégories de poids, et c’est aussi pour ça que les hommes et les femmes ont peu de chances de se rencontrer. Le catch, lui, a toujours reposé sur la suspension d’incrédulité. Tout est une question de dosage, certes, mais c’est aussi très subjectif. Un puriste comme Jim Cornette, qui voit sans doute le genre d’un mauvais œil, ne supporte ni Joey Ryan ni même le populaire Kenny Omega qui a eu le malheur de faire des matches comiques dans sa carrière, contre une poupée gonflable ou une petite fille. En comparaison, un match Tessa Blanchard/Sami Callihan est autrement plus crédible. Après tout, il est probable que des femmes puissent mettre K.O. des hommes « plus forts » qu’elles ; je n’irais en tout cas pas provoquer Ronda Rousey pour le vérifier…

Pendant ce temps, à la WWE

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.