La 3D annulée

Monster Hunter

Cela fait à présent plus de trois mois que je n’ai pas publié d’article… J’en ai toujours un sur le catch en brouillon depuis des années, mais je souhaitais surtout écrire une série de post mortem sur mes courts-métrages, ce qui nécessiterait de les remettre en ligne en bonne qualité. Le problème est qu’il me faudrait pour ça la fibre que j’attends, justement, depuis plus de trois mois. Et puis lundi matin, j’ai fait une découverte qui m’a inspiré ce texte sur ma marotte, celle qui donne à ce blog son slogan, la 3D. Après tout, le dernier article sur le sujet, déjà un peu désespéré, remonte à plus d’un an et il s’est passé pas mal de choses depuis, ou du moins la situation a empiré. Mais il y a eu un petit évènement aujourd’hui, c’est la sortie du nouveau Wonder Woman en vidéo, or l’édition limitée steelbook contient le Blu-ray 3D du film, même s’il s’agit de conversion… En revanche, à la fin du mois doit également sortir le film Monster Hunter qui lui n’est proposé qu’en 2D alors que, ironiquement, il a sans doute été tourné en 3D comme tous les films de Paul W.S. Anderson depuis pas mal d’années déjà…

Alors j’espère que vous n’êtes pas allergique à l’ironie, car le mot va revenir souvent. Je déplorais déjà fin 2016 que les TV 3D étaient difficiles à trouver, mais elles sont carrément devenues très rares alors que, ironiquement, il y a encore quelques années, beaucoup de gens se plaignaient que les téléviseurs qu’ils achetaient étaient forcément compatibles alors que ça ne les intéressait pas… Ce qui m’amuse beaucoup (ou plutôt m’agace, soyons honnête) quand les mêmes reprochent à d’autres de vouloir la disparition une fonctionnalité d’un appareil « qu’ils n’ont qu’à pas utiliser » si ça ne les intéresse pas. J’en roulerais bien des yeux si je n’avais pas peur qu’ils quittent leurs orbites, à force. Et à moins que tous ces geignards ne soient déjà équipés en 4K, ils ont donc chez eux des écrans 3D dont ils ne font rien, tandis que les quelques amateurs du genre continuent d’en chercher en vain… Ironique. Et ce qui est aussi ironique c’est qu’au final, ce qui a tué la 3D, c’est la 4K, et je peine à voir en quoi elle serait plus utile pour les films. Pour info, la très grande majorité des salles de cinéma projettent en 2K, et personne ne s’en plaint car on ne voit les pixels que dans les sous-titres et autres « graphismes ». Du reste on ne les voyait pas non plus en VHS ; l’image était juste plus floue. Alors autant dire que la 4K sur un téléviseur domestique, ça n’a pas beaucoup plus d’intérêt que sur l’écran 15″ de mon portable, hormis rendre certains logiciels incompatibles – quelle ironie !

Le PSVR sur PlayStation 5
Photo : Sam Machkovech

Et ironiquement, beaucoup d’amateurs de 3D sont contraints faute d’écran de regarder les films via le PlayStation VR (ce qui n’était pas encore possible fin 2016), à la résolution hélas un peu limitée d’autant que la 3D utilise l’entrelacement. Alors par chance, la PlayStation 5 est déjà compatible avec le PSVR et offrira bientôt un nouveau casque à l’affichage qu’on imagine plus fin mais, ironiquement, elle ne l’est pas avec la 3D puisqu’elle dispose d’un lecteur UHD. Et cela a beau sembler ubuesque qu’un lecteur UHD soit rétrocompatible avec tous les Blu-rays sauf les Blu-rays 3D, sans qu’il soit possible d’y remédier via une mise à jour, c’est malheureusement un fait implacable. C’est bien l’introduction de ce nouveau format, au forceps comme toujours dans cette industrie, qui a tué la 3D domestique bien que les films (convertis) en 3D continuent ironiquement de passer en salle… Et c’est en plus bien ironique de la part de Sony, qui poussait beaucoup la 3D du temps de la PlayStation 3 avec la plupart de ses blockbusters compatibles. Rien n’empêcherait du reste que ce soit le cas sur les deux consoles qui lui ont succédé, à part le manque de courage du constructeur… Passons.

Ces dernières semaines, j’ai acheté pas mal de Blu-rays 3D avant qu’on ne les trouve plus ou qu’ils deviennent hors de prix. Cela dit, ce qui gonfle c’est surtout le tarif des éditions limitées en steelbook, qui sont parfois les seules à proposer la version 3D comme The Last Jedi (peut-être la meilleure conversion que j’aie vu à ce jour en passant), et surtout la récente conversion de Terminator 2 (1991) qui coûtait plus de 200 € il y a peu – mais qui a chuté sous la barre des 90 € en deux semaines ! Comme c’est iro… Non, c’est juste triste. Pour pas mal de films j’ai dû passer par l’import, ce qui est heureusement rarement gênant pour les blockbusters ; hormis les textes au dos de la jaquette, impossible de deviner que mon Aquaman 3D est polonais… Plusieurs viennent d’Allemagne où la 3D semble plus populaire que chez nous, parfois à un degré assez étonnant puisqu’ils ont apparemment une conversion du Remember (2015) d’Atom Egoyan. Est-ce à cause de leurs compatriotes Werner Herzog et Wim Wenders ? Le second raconte dans les bonus de Pina (2011) qu’il s’est mis à la 3D parce que son voisin de palier en était un grand spécialiste… Or Alain Derobe, qui nous a hélas quittés en mars 2012, était ironiquement français. Il a notamment inventé une méthode de calcul du relief.

Alain Derobe (1936-2012)
Alain Derobe (1936-2012) – photo : AFC

Pourtant, ironiquement, nous ne sommes pas très gâtés en France en matière d’édition vidéo, même si le chouette Amityville 3D (1983) du grand Richard Fleischer est ironiquement sorti chez nous, au sein d’un coffret dédié à la série, peu après que j’achète une version espagnole (El Pozo del Inferno, ). En revanche, encore aujourd’hui, il faut passer outre-Rhin pour Gefahr aus dem Weltall Le Météore de la nuit (1953), car son éditeur français n’a pas cru bon d’inclure la version 3D quand bien même elle se trouve sur le même disque que la version 2D – comme c’est souvent le cas d’ailleurs, hormis pour les blockbusters récents. Un commentaire sur la page Amazon du Blu-ray français m’a d’ailleurs bien ulcéré, car le client qui l’a rédigé était bien conscient que le film a été tourné en 3D mais « ça ne l’intéresse pas » alors que je pense qu’il aurait crié au scandale s’il avait été proposé uniquement en VF. Pourquoi exiger de voir les films en version originale linguistique mais pas visuelle ? Imaginez si un éditeur rééditait Autant en emporte le vent (ou n’importe quel film en Technicolor si vous préférez une œuvre moins problématique) en noir et blanc uniquement… Or ce lundi, en voulant voir si le site Real or Fake 3D avait été mis à jour depuis 2019 (spoiler : non), j’ai regardé de nouveau par curiosité si certains films étaient disponibles sur Amazon.com et… J’ai fait une découverte qui a failli me faire tomber à la renverse, tant elle redéfinissait la trame de ma réalité.

En janvier, je découvrais sur l’excellente plateforme OCS l’unique western de Douglas Sirk mais pas son seul film avec Rock Hudson (loin de là), Taza, fils de Cochise (1954). Pour être honnête, il ne m’avait pas beaucoup emballé car, au-delà du fait que les westerns avec des Amérindiens joués par des blancs n’ont pas bien vieilli, le film est pacifiste au point de sembler bien peu contestataire. En gros, Taza passe un peu pour un collabo – un traitre à sa race comme certains diraient aujourd’hui… En tout cas, je n’aurais jamais imaginé que ce film avait été tourné 3D, et j’hésite même à écrire « Douglas Sirk a tourné un film en 3D » de peur de produire une brèche dans l’espace-temps. Pourtant, nulle cancel culture à l’œuvre ici puisque le long-métrage est bien décrit comme tel sur ses pages Wikipédia du monde entier, mais pas sur OCS. Et, comme souvent avec le service, sa diffusion coïncide avec une réédition (relativement) récente en vidéo en France qui, une nouvelle fois, ne propose que la version 2D. Je serais en tout cas choqué si Patrick Brion et feu-Bertrand Tavernier n’en parlent pas dans leurs présentations incluses. Mine de rien, il y a eu pas mal de westerns dans la première vague 3D de 1953-1954 mais, en dépit des efforts des éditeurs américains, aucune trace du Arena (1953) de l’immense Richard Fleischer – fichtre, il grossit à chaque fois que je le cite…

Taza, fils de Cochise (1954)

Il n’y a pas si longtemps, j’hésitais à me lancer dans l’édition vidéo pour justement exhumer ce genre de raretés mais, plus le temps passe, plus ça devient insensé économiquement puisqu’il n’y a techniquement (et ironiquement bien sûr) plus rien pour les voir… À moins que le prochain Avatar fasse un carton d’autant plus inattendu que plus personne ne l’attend, je vois mal ce qui ferait bouger les choses. Le Club de l’Étoile (dont mon association est partenaire) a bien essayé de lancer un « Festival de la bonne 3D » (même s’il y avait hélas des conversions dans le tas), mais il a été interrompu par la pandémie. Je ne suis du reste pas certain qu’ils auraient pu projeter Détective Dee : La Légende des Rois célestes (2018) alors que je défie tout détracteur de la 3D de ne pas remettre un minimum en question son opinion après l’avoir vu (en 3D)… Après La Bataille de la Montagne du Tigre (2015), Tsui Hark confirme qu’il est le meilleur réalisateur en 3D, devant Ang Lee et même si la concurrence n’est pas bien rude, donc. Et tant qu’on est dans les recommandations et la déprime, je conseille l’interview de Luciano Tovoli en bonus du Blu-ray chez ESC Éditions d’Inferno (1980) auquel il n’a ironiquement pas participé. Le chef opérateur, qui a travaillé avec Antonioni et Pialat, y évoque bien entendu sa collaboration avec Dario Argento, et notamment avec nostalgie voire mélancolie le pourtant récent Dracula 3D (2012). Il explique parfaitement, et sans doute d’une manière bien plus convaincante que je ne pourrais le faire, comment la 3D restitue l’espace même dans une simple scène de dialogue. Mais comme il le dit lui-même, « tout ça c’est fini ».

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