Depuis mon précédent article, j’ai fait plusieurs découvertes surprenantes dont une le contredit en partie, puisque j’ai appris que le film Monster Hunter n’avait hélas pas été tourné en 3D, ce traître à la race binoculaire qu’est Paul W.S. Anderson s’étant même mis à la conversion depuis son précédent film, le dernier Resident Evil avant le futur reboot. C’est d’autant plus triste que même ses admirateurs estiment que son montage haché ne se prête pas du tout au procédé… Cela n’en reste pas moins ironique de la part de Sony qui produit ses films et avait sans doute fourni les rigs 3D pour ses tournages, mais on peut imaginer que ça les mettait mal à l’aise de publier un Blu-ray 3D que leur nouvelle console flambant neuve ne peut pas lire – et à ce sujet, j’ai aussi appris quelque chose d’édifiant, mais j’y reviendrai… Parce que, à la base, la découverte d’un western en 3D réalisé par Douglas Sirk m’a aussi bien inspiré l’article précédent que donné envie d’acheter quelques films en import. J’en avais au départ retenu cinq mais, pour économiser des frais de port, je suis parti sur quatre titres, deux westerns de la première vague 3D des années 1950 et deux séries Z post-apocalyptiques de la deuxième des années 1980, du même réalisateur en plus.
Seulement voilà, le jour où j’ai souhaité voir les deux premiers, j’ai découvert qu’en 2021, les Blu-rays sont toujours zonés ! Pour ma défense, non seulement tous les lecteurs Blu-ray sont multi-zone pour les DVDs, mais je possédais bien des films estampillés zone A qui marchent parfaitement sur un lecteur européen… Car c’est mensonger, ils sont en réalité multi-zone et d’ailleurs aussi vendus sur les sites français. Et en me penchant sur les lecteurs multi-zone, souvent coûteux, j’ai découvert qu’ils lisent en général tout tant qu’à faire, c’est-à-dire aussi bien les Blu-rays UHD que… 3D. Attendez ! Je croyais que ces deux formats étaient incompatibles… Eh bien non ! Comme me l’a appris ce cher Misteur D, c’est une triste affaire de gros sous, les constructeurs ne souhaitant pas payer les licences pour les deux formats. D’ailleurs, lorsqu’on jette un œil aux commentaires sur les sites de vente en ligne concernant les lecteurs multi-zone (officiellement ou de manière illégale), on constate qu’ils sont très prisés par les amateurs de 3D qui se lamentent que certains Blu-rays ne soient disponibles qu’en Europe ! C’est précisément le cas du Terminator 2 (1991) que j’évoquais la dernière fois, ce qui explique ses tarifs délirants… Car si les Américains ont aussi eu droit à un steelbook, il ne contient que les versions UHD et 2D, et il coûte d’ailleurs moins de dix dollars, lui.
Enfin bref, j’ai fini par me procurer un lecteur multi-zone et j’ai pu regarder ces westerns.
Wings of the Hawk (1953, Révolte au Mexique)
Je ne pense pas avoir déjà vu des films de Budd Boetticher, car ce n’est que récemment que j’ai entendu dire qu’il était réputé en matière de westerns… Le générique du début m’a un peu refroidi car, comme celui de fin, il place le texte au niveau de l’écran donc par-dessus des éléments en jaillissement, et il en est de même pour les sous-titres – le film est uniquement disponible en VOSTA comme les autres – qui n’ont pas été adaptés à la 3D. Mais dès la deuxième scène, on sait qu’on a affaire à de la vraie 3D avec une bouteille, deux verres et une moustiquaire qui n’auraient jamais passé l’épreuve de la conversion (*). Sans atteindre le côté forain souvent ridicule de la deuxième vague des années 1980, les premiers films en 3D tentaient quand même des effets de jaillissement comme, par exemple ici, une chaise lancée à côté de la caméra, mais pas au point qu’on ne le remarque en 2D et il suffit de lire des avis sur le film pour vérifier que la plupart des spectateurs n’ont pas la moindre idée qu’il ait été tourné en 3D. La scène qui l’exploite de manière la plus marquée est peut-être celle de la prison, déjà avec les barreaux mais aussi un pistolet descendant vers nous au bout d’un fil… Il y a certes aussi une gatling pointée vers la caméra, des shrapnels ou un couteau lancé (à peu près) vers le spectateur, mais ce genre de plans est littéralement aussi vieux que le western – comme l’un des plus fameux du Vol du grand rapide (1903) qui faisait plonger les spectateurs sous leurs fauteuils, même en 2D. La 3D met simplement en valeur (pour ne pas dire en relief) la construction des plans, et il faut avouer qu’elle se prête bien au genre qui offre en général de grandes perspectives et une lumière adéquate. L’image est toutefois ici un peu granuleuse, hélas, mais certaines séquences gagnent en force, comme ce plan embarqué sous une carriole, et surtout l’exécution en pleine rue filmée depuis un sous-sol, à travers des barreaux là encore.
(*) Lorsque j’affirmais dans mon précédent article que The Last Jedi était peut-être la meilleure conversion que j’aie jamais vue, je ne voulais pas dire qu’elle avait fait l’objet d’un soin particulier, juste que le film ne présente aucun feuillage ou transparence problématique, car je soupçonne que toutes les vitres de cockpits ont été ajoutées numériquement.
Taza, fils de Cochise (1954)
Ayant donc déjà vu le film, j’ai préféré écouté le commentaire audio également disponible avec la version 3D (sur le même disque du reste). On y apprend que si Douglas Sirk n’était pas fan de de la lourdeur du matériel, surtout en pleine chaleur, il restait attaché à ce film dans un genre inhabituel pour lui. Les critiques reconnaissent son aspect problématique aujourd’hui et, même à l’époque, Rock Hudson était peu à l’aise de jouer au milieu d’acteurs d’origine amérindienne (hormis Barbara Rush, déjà apparue en 3D dans Le Météore de la nuit (1953)), aux accents plus naturels. Mais les défenseurs du film continuent de le trouver parfait pour le rôle, lui qui était aussi tiraillé par sa vraie nature dans la vie. Sur le plan technique, le film est en tout cas somptueux d’autant que la restauration est parfaite. C’était déjà flagrant en 2D mais la 3D rehausse le sens de la composition de Sirk – ah, si John Ford avait fait un western (du moins entier) en 3D… Même le tapis du générique (revu lors de l’intermission, rare pour un film si court) est superbe. Il faut dire qu’on ne peut pas tricher avec des fonds peints, et tout est entièrement tourné en décors naturels, et ça se sent. Sorti début 1954, donc à la fin de la première vague de films 3D, Taza avait l’ambition d’être plus haut-de-gamme à l’image du Crime était presque parfait (1954). À cet effet, il utilisait un nouveau type de rig (au moins l’un des deux présents sur le tournage) permettant de réduire l’entraxe à l’écart naturel entre deux yeux (65 mm), mais ils auraient même expérimenté un entraxe plus petit et je me souviens en effet d’un dialogue où les acteurs semblaient massifs. Le film n’est pourtant pas beaucoup moins forain que le Boetticher avec une torche, des lances, un fouet ou des rochers lancés à la caméra mais, encore une fois, je n’avais pourtant pas deviné qu’il avait été tourné en 3D (contrairement à Jaws 3 que j’avais trouvé suspect). Le procédé souligne en tout cas la violence, étonnante pour l’époque, de certaines scènes et la bataille finale, hormis quelques rochers en polystyrène et une roulade laborieuse, en est transcendée.
Parasite (1982)
Les deux autres films sont réalisés par Charles Band, que je connaissais uniquement de nom comme compagnon de route du regretté Stuart Gordon. Or si l’on change totalement de registre, le scénariste de Parasite, tout premier film américain (Comin’ At Ya! est italien) de la deuxième vague de la 3D, le compare à un western… Mais après Taza, le choc visuel est rude d’autant que, comme on l’apprend via le commentaire audio, les films en 3D n’utilisent désormais plus qu’une seule caméra, obtenant deux images via un prisme mais les réunissant côte-à-côte sur une même pellicule, d’où une image plus proche du 16 mm que du 35 (*). Mais en dépit du style européen du chef opérateur Mac Ahlberg et d’un réel souci des décorateurs d’enrichir les premiers plans pour tirer parti de la 3D, le film n’est pas bien beau, en tout cas moins que le suivant, sans doute mieux restauré il faut dire. Outre quelques gros plans avec un étrange effet de dilatation, Parasite ne ménage pas les yeux comme la plupart des films de cette deuxième vague, avec un concours d’effets de jaillissement qui débute dès la première scène quand le protagoniste pose ses outils sur un plateau juste sous notre nez… Cette ouverture tente surtout de dynamiter la séquence de la naissance d’Alien, mais le twist est peut-être trop inattendu pour faire sursauter. Band se rattrape cela dit plus tard avec une scène à la limite de l’insoutenable autour d’un container dont un malheureux essaie d’identifier le contenu. Mais tout en mêlant horreur et science-fiction lui aussi, le film fait le choix bien plus économique du post-apocalyptique – d’où le western. Dans la pratique, cela sert surtout à justifier des inserts de mygale et de serpent à sonnette, une tentative de viol, une femme qui se balade seins nus (la « victime » en réalité consentante du viol en question), un pistolet laser, un meurtre au tuyau de fer, une station-service dont les pompes ont un look chelou, une Lamborghini Countach noire qui fait un bruit inhabituel, un voyou qui porte des lunettes de plongée, etc. Mais le plus audacieux est peut-être d’avoir confié le rôle principal du film à Robert Glaudini, surtout acteur et metteur en scène de théâtre, et qui ressemble à un mélange dépressif entre Jeff Goldblum et Jean Bouise – ce qui le rend assez crédible en scientifique. Côté guests, on a juste droit à la chanteuse Cherie Currie (interprétée 30 ans plus tard par Dakota Fanning dans le biopic des Runaways) dans la bande de loubards dont le chef est joué par Freddie Moore. Or lui est surtout connu pour avoir donné son nom à sa femme également au casting pour ce qui est son deuxième film : non pas Roger mais Demi, ici en 3D, donc entière.
(*) À ce propos, un bonus de Taza nous rappelle lui pourquoi la première vague de films en 3D n’a duré qu’un an et demi, de la fin 1952 au début de l’année 1954 ; il a en effet fallu du temps pour concevoir un système de projection qui, lui aussi, réunissait les deux images sur une seule bobine. Les premières diffusions en 3D nécessitaient donc deux projecteurs, et les techniciens avaient la mauvaise habitude de mal les synchroniser. Couplé au port de lunettes, ce désagrément (pour rester poli) n’a évidemment pas aidé à démocratiser la 3D…
Metalstorm: The Destruction of Jared-Syn (1983)
Fort du succès de ce nanar qui a quand même eu droit à une large diffusion à l’époque pour un film d’horreur en 3D, Charles Band a pu passer à la vitesse supérieure, quoiqu’avec un budget sans doute pas beaucoup plus élevé et qu’il a dû renflouer en plein tournage au marché cannois, pour faire un space opera, donc l’équivalent futuriste du western. Mais avec un film qui dure moins d’1h30 génériques compris (et ils sont bien longs pour faire plus sérieux), et un début de nouveau sur une route du désert californien à bord d’une voiture customisée par un designer de chez Mattel (authentique), on sait qu’on va avoir plus affaire à ce que Nanarland appelle « un film de carrière » qu’à du Star Wars. Néanmoins, le fait qu’il se déroule davantage en extérieur que Parasite, et que certains looks et costumes soient même assez réussis, rendent Metalstorm beaucoup moins cheap. Malheureusement, si l’image est moins granuleuse, un avertissement nous signale un problème que la restauration n’a pas pu corriger et qui rend le film un peu plus pénible à visionner en 3D. Sur près de la moitié des plans, il y a en effet une zone sombre (sans doute un volet pas assez ouvert) sur le bord gauche de l’image de l’œil gauche mais pas sur l’autre, ce qui crée une gêne. Alors certes, ce n’est pas du Mad Max mais il a été entièrement tourné en 3D, lui, contrairement à Fury Road… Et puis la course-poursuite psychédélique finale nous fait regretter que son contemporain Retour du Jedi n’ait pas été tourné en 3D. Le thème orchestral principal composé par Richard Band, frère du réalisateur et également complice habituel de Stuart Gordon, est en plus tout à fait honorable, même si d’autres pistes secondaires ont bien sûr été faites au synthé (ce qui n’empêche pas les sous-titres pour malentendants d’indiquer « [dramatic orchestral music] » cela dit). Le casting est correct et n’a rien de particulier mais, comme je suis un clown, je finirai cette chronique en mentionnant, dans le rôle du chef des cyclopes qui devient gentil, l’habitué des seconds rôles Richard Moll. Car mine de rien, il aurait pu profiter du tournage pour demander au réalisateur le 555 de Demi Moore, et imaginez quel nom elle aurait porté si elle l’avait épousé…
Quoi qu’il en soit, cela m’a donné envie de récupérer d’autres pépites, ne serait-ce que pour rentabiliser mon nouveau lecteur. Trois des quatre films (sauf Metalstorm) ont été édités par Kino Lorber, qui a l’air d’être derrière la plupart des films de patrimoine en 3D. Hélas, certains titres semblent déjà indisponibles ou difficiles à trouver, mais il y a surtout des films en 3D qui n’ont pas (encore ?) été restaurés, comme le western Hondo (1953) avec John Wayne mine de rien et dont les scènes finales ont été tournées par nulle autre que John Ford. Il faut dire que le film n’a jamais été exploité en 3D, et c’est peut-être un problème similaire qui touche Vendredi 13 – Chapitre 3 : Meurtres en 3Dimensions (1982). En effet, la seule version 3D disponible en Blu-ray est anaglyphe, car je crois que c’est comme ça qu’il a été diffusé à l’époque. Il devrait être possible de restaurer une version 3D normale en utilisant au besoin le master 2D comme référence, mais cela demanderait un travail que j’imagine coûteux, et désormais encore moins rentable, donc. Au moins, tout cela aura le mérite de m’avoir donné de nouveaux sujets d’articles pour ce blog et de bien belles occasions de calembours.
Salut
C’est cher un lecteur de Bluray UHD/4K, 3D et dézoné ?
Dans les $300-400 de mémoire, et sans compter les frais de port ($120 avec taxes douanières incluses chez Amazon). Moi je me suis contenté d’un lecteur BR 3D LG proche de celui que j’avais déjà, mais dézoné « par un tiers », ce qui coûte dans les $130 donc ça reste plus cher (de mémoire) qu’une platine BR achetée en France (surtout aujourd’hui, ça doit coûter moins de 80 €, non ?). Je n’ai même pas encore testé le multizone (qui nécessite une manip’), puisque j’ai ma PS4 pour lire les BR zone B. J’aurais presque pu me contenter d’importer un lecteur zone A, mais bon…
Ça dépend, si tu le dézones une seule fois pour lire toutes les régions, ça va.
Si la manip’ consiste à changer la zone et que tu dois le faire à chaque fois que tu prends un BR d’une autre région, c’est moins glop.
Moi, je me contente des consoles pour lire mes BR.
Mais c’est vrai que comme j’en ai 3 avec lecteur de BR, je pourrais presque, si c’est possible, en définir 1 par zone 😮
Oui hélas, il faut faire une manip (simple) à chaque fois, car ça fait redémarrer le lecteur.