Trois films qui m’ont construit

Vampyr (1932)

Dans le cadre de ma série de souvenirs, j’ai eu l’occasion de consacrer des articles à des films qui m’ont marqué à jamais comme Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (1986), Abyss (1989), Dracula (1992) ou encore Mission : Impossible (1996) notamment. Or depuis, il m’est souvent arrivé de me demander pourquoi je n’avais pas abordé tel ou tel autre. Mais la raison est simple ; cette série d’articles était construite sur une chronologie, et il ne m’était donc possible que d’évoquer des films vus en salle, à leurs sorties, pour pouvoir dater leurs découvertes avec un minimum de précision. Et même si tout cinéphile préfère voir un film au cinéma, il serait étonnant qu’il y en ait encore qui n’ait jamais découvert le moindre chef d’œuvre sur un petit écran… Et au fond, c’est même tout à son honneur pour un film de nous hanter malgré des conditions de visionnage loin d’être idéales. Bien que je note dans mon agenda tous les films que je vois depuis déjà pas mal d’années, il serait laborieux (et au moins impossible pour le premier) de dater ma découverte des trois longs-métrages qui suivent, que je vais tout de même présenter dans l’ordre dans lequel je pense les avoir vus. Il y en aurait sans doute beaucoup d’autres qui vont sans doute me revenir à peine le temps de cliquer sur « publier » mais ces trois-là m’ont énormément influencé, et confirment d’ailleurs si c’était nécessaire mon intérêt pour l’horreur et le fantastique.

Embryo (1976)

Embryo (1976)C’est indubitablement le premier des trois que j’ai vus car il me semble l’avoir découvert dans la maison de mes grands-parents dans le Maine-et-Loire où il m’arrivait de passer mes vacances enfant. « Semble » parce que ce souvenir est si flou que je me suis longtemps demandé si ce film existait vraiment ou si je l’avais rêvé, car je crois bien l’avoir de toute façon entièrement recréé en songe la nuit suivante, avec moi dans le rôle de Rock Hudson, tellement il m’a traumatisé. Quand je suis retombé dessus par hasard bien plus tard, je me suis rendu compte que, une fois n’est pas coutume, mon souvenir était certes flou, incomplet dans le détail mais parfaitement juste dans l’esprit. Je ne sais pas si c’est à cause de ce film-là, mais j’ai toujours apprécié les films de psychopathes façon Les Nerfs à Vif (1961 ou 1991) et en particulier ceux où le personnage en question est une femme, comme JF partagerait appartement (1992) ou Esther (2009) – quoique je n’aime pas du tout Liaison fatale (1987). Sans doute parce que, Glenn Close oblige, l’aspect érotique marche moins et j’ai du coup peu d’empathie pour son personnage, or c’est ce qui fait souvent l’intérêt du genre, du moins pour moi. Et il est très marqué dans Embryo, déjà parce que Barbara Carrera bien entendu mais surtout parce qu’au fond, son personnage est avant tout une victime qui ne cherche pas tant à faire le mal qu’à survivre. C’est d’ailleurs peut-être pour ça que je dois être le seul à avoir apprécié The Cloverfield Paradox (2018), que je conseille en passant à ceux qui ont découvert Elizabeth Debicki dans Tenet. Mais en plus, dans les années 1970, les films d’horreur et même les films catastrophes n’avaient pas peur d’être incroyablement cruels, et le final d’Embryo est typiquement le genre de scène qui paraît d’une violence inouïe hors contexte. Et je ne connais pas d’autres films qui explorent cette voie, hormis La Mutante (1995), autrement plus timide mais qui m’a peut-être inspiré un autre rêve à la base d’un de mes projets de longs-métrages (nom de code Shameless), et surtout Splice (2009), hélas maladroit par certains aspects mais qui va assez loin dans le dérangeant à la Cronenberg.

Vampyr (1932)

Vampyr (1932)Je me souviens nettement moins du contexte dans lequel j’ai découvert le classique de Carl Theodor Dreyer, mais je pense que c’était chez moi car je me rappelle la présentation du programme télé, évoquant sa photographie voilée par accident qui contribuait à l’atmosphère onirique du film. Je pense aussi que je l’ai vu à la fin de l’adolescence, alors que je m’intéressais plus sérieusement au cinéma – j’étais inscrit au club audiovisuel de mon lycée. Mais surtout, il a fortement inspiré mon tout premier scénario de long-métrage, débuté l’été 1998 mais achevé l’été suivant. J’en ai d’ailleurs écrit deux autres les étés 2000 et 2001 avant de carrément faire une école de cinéma de 2003 à 2006, qui a motivé la réécriture de ce premier essai en 2007, avec les prémisses d’une troisième version en 2010… Il faut dire que, bien que mon scénario soit basé sur un jeu vidéo (qui a été très mal porté à l’écran par la suite), c’est une sorte de film-somme combinant toutes mes références d’alors, en particulier Twin Peaks, avec des pointes de Sam Raimi, de Shining (1980) et de Tarkovski (si, ce mélange improbable est possible), mais surtout de Vampyr, donc, dont il est une sorte de semi-remake. Ce film d’horreur à peine parlant est très envoûtant, d’une richesse formelle héritée du muet, et même avec des travellings qui suivent le protagoniste (qui me fait penser à Lovecraft) dans son dos mais légèrement sur le côté, façon Resident Evil 4 (2005) avant l’heure… J’avais notamment repris la scène du dédoublement mais surtout celle du cercueil avec sa vue subjective, dont je n’ai vu pour le moment qu’un seul hommage, assez curieusement, dans le nanar Hurlements II (1985) et je dois d’ailleurs être le seul à l’avoir remarqué. Et c’est sans doute à cause de Vampyr que j’ai commencé à intégrer des scènes de rêves dans chacun de mes scénarios, avant de découvrir que Dostoïevski en faisait autant dans (presque) tous ses romans et nouvelles – il y a peut-être un indice sur le jeu vidéo adapté, d’ailleurs, dans cet article.

Invasion of the Body Snatchers (1978)

L'Invasion des profanateurs (1978)Last but not least, mais alors pas du tout least, j’ai peut-être découvert L’Invasion des profanateurs plus tard mais il m’avait influencé avant même que je ne l’aie vu, car ce premier remake et les trois autres films de la « série » ont inspiré bon nombre de films et surtout séries qui m’ont marqué… Superficiellement, via l’imaginaire collectif pour Les Envahisseurs (1967) par exemple, mais très clairement dans le cas des Tripodes (1984), gros traumatisme enfantin tout comme V (1983) et La Cinquième Dimension (1985) déjà évoqués dans cet article. Je pourrais ajouter encore deux excellents épisodes d’Au-delà du réel, l’aventure continue (1985) avec Robert Patrick. Mon prof d’anglais en école d’audiovisuel avait beaucoup aimé mon analyse de la raison du succès des films de profanateurs au sens large, zombis compris ; j’étais parti de la peur primitive et enfantine, lorsque la seule personne susceptible de nous rassurer, notre mère (ou notre père) n’est plus qui elle est censée être. En tout cas, cette formule marche à peu près chaque fois avec moi, même dans le quatrième film, le bancal Invasion (2007). Le long-métrage inaugural de Don Siegel est déjà très efficace mais forcément bridé par l’époque, et il n’y a pas les fameux cris des envahisseurs inventés par son premier remake de 1978, et que je trouve un peu ratés dans le Body Snatchers (1993) d’Abel Ferrara, excellent par ailleurs et co-écrit en plus par Stuart Gordon – l’une des trop nombreuses disparitions de 2020 mais évidemment celle qui m’a le plus meurtri. Néanmoins, et pour le coup ce n’est pas de la politique des auteurs puisque je n’admire aucun autre film de Philip Kaufman particulièrement, le deuxième est truffé d’idées de mise en scène et baigne dans une atmosphère de cauchemar sans fin… Du reste, son twist final est si célèbre qu’il a donné naissance à un gif fameux et l’édition DVD le spoile même dans son menu, affiché en plus au dos de la jaquette ! Et si Embryo (1976) et Vampyr (1932) m’ont inspiré des projets de longs-métrages, celui-ci m’a permis de réaliser mon court-métrage préféré, Invasion (2005). Ce qui me fait penser qu’il faut que je prenne le temps de remettre mes films sur YouTube plutôt que sur Facebook…

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